Voltaire l’a dit, Rabelais itou : François Ier est mort de la syphilis. Oui. Mais a-t-il réellement eu cette maladie honteuse ? Est-il vraiment mort de cela ?
Chronologie... d'une mort annoncée
Abcès
Première maladie en 1539 : François Ier tombe gravement malade, à Compiègne. Le cardinal Du Bellay dit qu’il « tomba malade d’une apostume qui lui descendit au bas du ventre, dont il fut en grand danger de mort. »
Apostume. Un abcès ! Une fistule aux parties intimes, entre l’anus et les testicules… Le chirurgien Guillaume Vavasseur le soigne, le roi guérit à peu près.
Veine rompue
En 1545, un certain Saint-Mauris écrit :
« Le roi a une veine rompue et pourrie dessous les parties basses, par où les médecins désespèrent de sa longue vie. »
Encore une fois, à cet endroit-là...
Fièvre et cautères
En 1546, une « fièvre lente » le prend, intermittente, qui se change en fièvre continue avec douleur à l’abcès. Car le roi a un « apostume sous les parties inférieures », à l’endroit où il en avait déjà souffert, en 1539. Qui l’empêche de se tenir debout par moment, et le force à rester alité ou à se déplacer en litière.
Alors, on applique des cautères « afin de le faire tant plutôt mûrir et percer », puis après plusieurs fois, l’apostume finit par éclater.
Plaie... ouverte
Un mois après, l’apostume a regrossi et a « cinq pertuis » (trous). Se sentant faible, François demande leur cautérisation. Les médecins n’osent pas se prononcer, tant le corps du roi est « pourri de l’intérieur » !
Fin 1546, François va un peu mieux ; mais début 1547, les douleurs reprennent. Les médecins rouvrent la plaie, il en sort « une grande infection dont il eut grand soulagement. »
Les derniers maux, avant la fin
Au mois de février, François Ier avait sans arrêt changé de résidence, pensant que ça lui ferait du bien : La Muette, puis Villepreux, Dampierre, Limours, Rochefort et Rambouillet. Fin février, l’apostume s’infecte. La fièvre repart.
Mézeray, dans Histoire de France, écrit :
« Cet ulcère malin, qui lui était venu en 1539, n'ayant pu être guéri par ses médecins, qui n'osèrent pas le traiter avec la rigoureuse méthode qu'il faut apporter à ces maux-là, s’était tramé jusqu'au col de la vessie, et commençait à le ronger avec des ardeurs insupportables. Tellement que cette douleur et l'âcre levain de cette infection, qui était épandu par toute l'habitude du corps, lui causaient une fièvre lente et une morne fâcherie, qui le rendaient incapable d'aucune entreprise. »
Le 20 mars, le roi se confesse et communie, c’est la fin. Sa santé se dégrade de jour en jour. Le 29, vient le moment de l’extrême onction :
« Un peu avant minuit, lui prit un tremblement si grand que l’assistance désespéra totalement de sa guérison. »
François demande à voir son fils : il veut lui donner son testament, mais il ne le retrouve pas... il en fait faire un autre à la hâte. Le 31, il souffle « Embrassez-moi, mon fils » au dauphin, en pleurs à ses pieds.
Puis, les mains crispées sur une croix, il crie plusieurs fois, presque en râlant : « Jésus !! » Ses derniers mots... La dépêche de l’ambassadeur Jean de Saint-Mauris rapporte simplement :
« Le roi mourut d’une fièvre qui lui avait duré trente jours.
De quoi est vraiment mort François Ier, alors ?
L’autopsie révèle « une apostume en son estomac, les rognons gâtés, et les entrailles pourries, le gosier en chancre et le poumon entamé. »
Augustin Cabanès, le célèbre médecin fana d'Histoire, conclue à une mort par affection des voies urinaires. Non d’une maladie des voies génitales, type syphilis, comme la légende l'a beaucoup répété !
François Ier avait bien une fistule périnéale, due à un abcès ; mais est-ce à cause :
- d’une blennorragie ;
- d’un traumatisme (chute violente ou pratique intensive du cheval, car comme le dit Ambroise Paré, « la tumeur du fondement s’engendre comme pour avoir été trop longtemps à cheval ») ;
- d’une prostatite chronique...
Pour Cabanès, c’est une tuberculose urinaire, une fistule tuberculeuse, avec, à la fin, gangrène de l’abcès et surinfection (d’où la fièvre), puis septicémie mortelle.
Il n’y a jamais eu de syphilis : aucun des symptômes ne l’indique. Le livre De quoi sont-ils vraiment morts ? (Jacques Delbauwe, 2013) précise bien qu’on ne peut pas confondre un bubon syphilitique avec un abcès (apostume) : le premier est localisé à l’aine, jamais en zone périnéale, comme chez le roi.
La syphilis : Belle Ferronnière et légende
François Ier collectionne les favorites. Il n’en faut pas plus pour que l’on murmure qu’il a attrapé la vérole… la syphilis ! L’histoire daterait de sa rencontre avec la Belle Ferronnière, l'épouse d’un avocat parisien, Jean Ferron. Immortalisée par Léonard de Vinci, vous voyez ?
Le roi réussit à la séduire. Le mari cocu se venge : il contracte volontairement la syphilis en fréquentant des prostituées et refile le bébé à son épouse, pour qu’elle contamine à son tour le roi ! Un poil tordu, oui, mais… efficace, puisque c’est comme ceci, nous dit la légende, que le roi attrape la maladie qui le fera finalement mourir !
C’est un certain Louis Guyon, médecin à Uzerche, qui le premier affirme au début du 17e siècle que le roi meurt de la vérole. François Ier disant lui-même « Dieu me punit par où j’ai péché », il n’en faut pas beaucoup plus pour jeter le doute !
Sources
- Augustin Cabanès. Le cabinet secret de l’Histoire, première série. 1920.
- Augustin Cabanès. Les morts mystérieuses des l’Histoire. 1923.
- Auguste Corlieu. La mort des rois de France depuis François Ier. 1873.
- Pierre Rentchnick. Ces malades qui font l’Histoire. Plon, 1984.
- Auguste Cullerier. De quelle maladie est mort François Ier. 1856.
- Jacques Delbauwe. De quoi sont-ils vraiment morts ? Tallandier, 2013.