D'où vient l'expression tirer à boulets rouges ?

Image d'illustrationImage d'illustration | ©Freddy Amend / Pixabay

Le four à rougir les boulets du fort La Latte, en Bretagne, nous permet d'en savoir plus sur la célèbre expression « tirer à boulets rouges » !

Késaco ?

L’expression « tirer à boulets rouges » nous vient du vocabulaire militaire.

Elle désigne aujourd’hui une attaque verbale ou écrite, assez violente, piquante... enflammée !

Son origine ? Nous vous la dévoilons tout de suite après !

Le four du fort La LatteLe four du fort La Latte | ©Semnoz / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

À l'origine de l'expression

Rougis pendant des heures

Des boulets de canon, c’est formidable, en temps de guerre : projetés à grande vitesse sur leur cible, ils fracassent tout sur leur passage !

Alors, imaginez qu’en plus, ils mettent le feu là où ils s’écrasent… c’est le cas de ces « boulets rouges » !

Des boulets rendus écarlates, car rougis dans des fours pendant plusieurs heures.

Voyons ce que dit Étude des armes (Meyer, 1836) :

« On choisit les plus petits boulets, on les met sur un gril ou plus ordinairement dans un four destiné à cet usage, ou même au besoin dans une forge de campagne de petit calibre ; on les chauffe au rouge cerise, on les retire du gril avec des tenailles, et on les introduit dans le canon avec une cuiller de fer. La bouche à feu doit être tirée le plus tôt possible après leur introduction, parce que les boulets rouges dégradent le métal. Suivant l’état de l’objet à enflammer, on emploie la charge ordinaire ou on l’affaiblit considérablement. Dans le dernier cas, on donne une hausse convenable, on sépare la charge du boulet rouge par deux bouchons de foin, l’un sec, l’autre mouillé, on pointe avant d’introduire le boulet rouge. »

De Dantzig à Gibraltar !

On trouve déjà mention de l’usage de boulets rouges en 1342, pendant le siège d’Algésiras.

Ensuite, on les trouve utilisés :

  • par les Polonais à Dantzig, en 1577 ;
  • pendant le siège de Gibraltar en 1783 (franco-espagnols VS Anglais) ;
  • lors de la prise de Breslau en 1806, en pleine campagne de Prusse et de Pologne.

À Gibraltar, un boulet « rouge cerise mit de suite en feu deux poutrelles sèches. »

Un autre, pourtant plongé 7 fois dans de l’eau froide, brûle encore comme « du bois vert de chêne » !

Pour vous donner une idée, le four de Gibraltar « rougissait en deux heures 200 boulets sur un gril »...

Le four du fort La LatteLe four du fort La Latte | ©Thérèse Gaigé / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Le four à boulets du fort la Latte

Le fort La Latte possède un exemple rare de four à rougir les boulets de fer.

Celui-ci, explique le petit panneau d’information, date de 1793.

Son but ? Couler les bateaux ennemis ! Une garnison d’une cinquantaine d’hommes occupe alors la forteresse, aux mains du ministère de la Guerre.

Il fallait, explique le site officiel du fort La Latte, que les boulets soient chauffés plusieurs heures à 900 degrés, avant de pouvoir être tirés.

Du coup, ils ont peu servi, car en fait, ils sont peu efficaces : imaginez que pour attaquer l’ennemi, il fallait constamment maintenir le four chaud et toujours disposer de boulets rougis, au cas où !

Sources

  • Moritz Meyer. Pyrotechnie raisonnée. 1836.
  • Josef von Xylander. Étude des armes. 1846.