Loading author...

Connaissez-vous Marguerite Philippe, la plus célèbre conteuse bretonne ?

De 1837 à 1909

Monument à A. Le Braz et M. PhilippeMonument à A. Le Braz et M. Philippe | ©Musée de Bretagne / Public domain

Un monument réunit Anatole Le Braz et Marguerite Philippe à Saint-Brieuc

Sculptée par le Breton Armel Beaufils, la statue dédiée au grand homme de lettres et folkloriste breton Anatole Le Braz (1859-1926), inaugurée en 1930, trône en bonne place sur un rond-point de Saint-Brieuc. Quoi de plus normal : Le Braz est Costamoricain de naissance !


Mais avez-vous remarqué cette femme assise tout près de lui ? Qui donc a eu l'honneur de figurer auprès de lui, immortalisée à jamais dans la pierre ?


Elle s'appelle Marguerite Philippe (1837-1909), grande conteuse et chanteuse de langue bretonne !


Nombre de chants et de légendes qu'elle connaissait ont été collectés et retranscrits par Le Braz. Celui-ci en tirera son ouvrage majeur : La Légende de la mort chez les Bretons armoricains (1893).

Monument à A. Le Braz et M. PhilippeMonument à A. Le Braz et M. Philippe | ©Musée de Bretagne / Public domain

Mais qui est Marguerite Philippe ?

Petite Bretonne « pèlerine par procuration »

Marguerite Philippe (Marc'harit Fulup en breton) naît à Pluzunet (Côtes-d'Armor), fille d'un couseur de vêtements et d'une taillandière.


Infirme de ses deux mains, avec des doigts incomplets et repliés, née avec un bras paralysé et l'autre mordu par un cochon, Marguerite devient mendiante et pèlerine par procuration.


C'est-à-dire que contre une maigre rémunération, des malades l'envoient en pèlerinage sur des fontaines miraculeuses, afin de récolter de l'eau, ou à Sainte-Anne d'Auray.

M. Philippe et A. Le BrazM. Philippe et A. Le Braz | ©Musée de Bretagne / Public domain

Analphabète, mais douée d'une extraordinaire mémoire

Ainsi, la voilà qui se met à parcourir la Bretagne de long en large, d'un bout à l'autre. Dans chaque petit village, hameau et ville, elle collecte, insatiable, chansons, traditions, dictons ou contes.


Sa mémoire phénoménale lui permet de retenir près de 260 chansons traditionnelles ! Le plus fort, c'est que Marguerite est complètement analphabète...


À elle seule, dit le conteur et folkloriste breton Luzel, elle connaît « la somme presque complète des anciennes traditions orales des pays de Lannion et de Tréguier » !


Et Le Braz d'ajouter malicieusement :

« C'est le cerveau le plus encyclopédique que j'aie jamais rencontré. Et j'ai connu Renan et j'ai connu Pasteur ! »

Monument à A. Le Braz et M. PhilippeMonument à A. Le Braz et M. Philippe | ©Musée de Bretagne / Public domain

Le saviez-vous ? L'amie américaine de Marguerite Philippe !

Quand Marguerite s'éteint à l'âge de 72 ans, en 1909, peu de personnes s'émeuvent, hormis quelques amis fidèles comme Le Braz ou Luzel. Allait-elle tomber dans l'oubli, inhumée dans le carré des plus pauvres, au cimetière de sa commune natale de Pluzunet ?


Mais c'est sans compter son plus grand soutien... une amie, une soeur : l'Américaine Ange M. Mosher ! Après être tombée amoureuse de la Bretagne lors d'un séjour en France à la fin du 19e siècle, cette riche dame devient mécène de la culture bretonne.


C'est sur son initiative que la tombe de Marguerite a pu être élevée au cimetière de Pluzunet. C'est aussi elle qui a demandé que l'on grave ces vers du poète breton Lud Yann sur la stèle, résumé merveilleux de la vie de la grande conteuse :

« Je n'ai fait qu'une chose ici-bas, j'ai chanté. »

Sources

Guy CastelMarc'harit Fulup : chanteuse et conteuse trégorroiseMusique Bretonne (mai 1981, n°15)

Georges DottinAnatole Le BrazLibrairie Le Goaziou, 1928

Joël CornetteL'Histoire de la Bretagne illustrée pour les NulsFirst Éditions, 2022

Paul Delarue, Marie-Louise TénèzeLe conte populaire français : catalogue raisonné des versions de France et des pays de langue française d'outre-mer (tome 4, vol 1)Éditions Maisonneuve et Larose, 1985