Dur, l'exil !
C'est sur cette terre de Touraine que débarque un ministre disgracié... qui ? Le duc de Choiseul !
Ministre des Affaires étrangères, protégé par La Pompadour, il est au sommet : la crème de la crème !
La dégringolade, rude, arrive après la chute de la favorite du roi...
Dehors, Choiseul ! Une intrigue le renverse, comme une vulgaire pichenette, une seule...
C'est l'exil qui l'attend, à Chanteloup.
Le petit Versailles
Le ministre y fait des dépenses royales !
Des avant-cours dignes d'un palais, des appartements d'un faste sans pareil, avec sa superbe bibliothèque, ses meubles en bois d'acajou, ses parquets et ses belles glaces.
Chanteloup devient le petit Versailles, presque plus beau même que l'original !
Dufort de Cheverny dit dans ses Mémoires :
« Il n'est pas possible d'imaginer la grande représentation qui l'entourait. En arrivant la nuit, on aurait cru entrer à Versailles, par la magnificence de l'éclairage en dedans et en dehors dans une suite prodigieuse de bâtiments. Il me fallait 20 minutes pour me rendre par les corridors de la chambre où je logeais à l'appartement de l'abbé Barthélémy. »
L'incroyable pagode
Choiseul embellit, construit... son projet le plus loufoque ? La pagode !
La fameuse pagode de Chanteloup, de 40 m de haut, terminée par une grosse boule dorée...
Il la fait élever, entre 1775 et 1778, sur les dessins de Louis-Denis Le Camus. Dufort de Cheverny dit :
« C'était une espèce d'obélisque chinois, avec un escalier pratiqué en dedans, soutenu seulement par le gros mur et composé de pierres l'une sur l'autre. On y voyait des plaques de marbre sur lesquelles étaient inscrits et gravés les noms de tous ceux qui l'avaient visité. »
Et pour construire tout ceci, pas de problème pour la matière première : on se sert des pierres du château de la Bourdaisière !
Fêtes, trictrac et billard
Comme à Versailles son rival, on s'amuse bien à Chanteloup. On passe du bon temps !
La chasse, déjà : les équipages coûtent chaque année plus de 60 000 livres à Choiseul, et pourtant... môssieur ne chasse jamais !
Choiseul est en exil, oui.
Mais ce n'est pas pour cela qu'il va s'arrêter de vivre et de recevoir !
Ses amis ne l'oublient pas, d'ailleurs, et ne ratent jamais une occasion de venir le voir dans son somptueux domaine.
Et on fait quoi, entre amis ? On joue au nouveau jeu à la mode, le billard, toute la matinée.
On fait un déjeuner et on se quitte à 16 h, pour se réunir dans le salon à 20 h.
La duchesse de Choiseul aime le trictrac, le duc préfère les échecs.
Le reste des invités s'occupe à discuter.
On se met à table à 9 h le soir, pour en sortir à 10, alors les parties de trictrac recommencent pour finir à minuit.
À minuit ou 1 h, va se coucher qui veut !
Restent le duc et la duchesse, madame de Gramont, monsieur de Gontaut...
Les discussions se prolongent jusqu'à 3 h du matin.
Mazette, un fer à repasser !
Choiseul est sacrément bien installé. Plusieurs poêles chauffent les pièces.
À l'heure de manger, le linge de table est impeccable ! Dufort de Cheverny raconte dans ses Mémoires :
« Jamais une nappe, une serviette, des draps ne servaient qu'ils n'eussent passé au cylindre, et l'endroit où l'on cylindrait, ainsi que la lingerie, étaient une des grandes curiosités de cette habitation. »
Un cylindre... l'ancêtre du fer à repasser ! On a même des moustiquaires !
Dufort dit encore :
« L'appartement de la duchesse de Grammont était la chose la plus recherchée et la plus magnifique qu'on pût imaginer. Les fenêtres étaient garnies de châssis de canevas, formant comme un tamis, pour empêcher les mouches d'inquiéter et de tourmenter. »
Sources
- Gaston Maugras. La fin d'une société : le duc de Lauzun et la cour intime de Louis XV. 1893.
- J.-N. Dufort de Cheverny. Mémoires sur les règnes des Louis XV et Louis XVI et sur la révolution. 1886.
- Gaston Maugras. La disgrâce du duc et de la duchesse de Choiseul, la vie à Chanteloup. 1903.