Chez une favorite de Louis XIV à Heudicourt

De 1641 à 1709

Mme d'Heudicourt (Anonyme, 1660, Musée Mandet, Riom)Mme d'Heudicourt (Anonyme, 1660, Musée Mandet, Riom) | ©Sergey Prokopenko / CC-BY-SA

Le château est construit sur un vieux rendez-vous de chasse appartenant, dit la tradition, à Dagobert.

Le château actuel a été construit au 17e siècle par l’époux de Bonne de Pons, Michel Sublet, dont le père avait acheté le domaine en 1574...

Bonne de Pons, Mme de Heudicourt ! Allons à la rencontre d'une des nombreuses favorites de Louis XIV, ici, chez elle...

Belle comme le jour

Le paternel, Pontus de Pons, est seigneur de Bourg-Charente. Il meurt en laissant deux filles : Élisabeth et Bonne.

Belles, de haute naissance, oui… mais « elles n’avaient pas de chausses », comme dit Saint-Simon la langue de vipère.

Pas un sou en poche, si vous préférez !

Heureusement, elles peuvent compter sur leur protecteur, leur oncle le maréchal d’Albret, qui se faisait pompeusement appeler César-Phébus, se vantant de descendre des vieux rois de Navarre.

Il avait eu son bâton de maréchal sans jamais avoir commandé une armée, c’est fort… Bref !

En tous cas, il appelle près de lui ses parentes orphelines, à Paris. Élisabeth est mariée en 1636. C’était, dit Saint-Simon :

« une grande femme qui faisait peur par la longueur de sa personne. Avec cette taille extraordinaire, un visage allumé, de longues dents blanches, elle avait, dans sa vieillesse, l’air d’une sorcière. »

Bonne, elle, a 8 ans de moins que sa sœur aînée.

Elle a 17 ans, quand elle débarque à Paris. Grande comme sa sœur, elle est au contraire « belle comme le jour. »

Saint-Simon dit que les prétendants sont nombreux… y compris le maréchal, ce vieux saligaud, tout sauf indifférent !

Petites histoires à la cour...

Conduite à la cour de Louis XIV par la maréchale d’Albret, Bonne se fait immédiatement remarquer.

D’abord fille d’honneur de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, le roi lui tourne autour en 1665 !

Voilà ce qu’il se passe, en fait : Louis XIV et sa belle-sœur Henriette d’Orléans se font de l’œil.

Anne d’Autriche, puis Monsieur, le mari d'Henriette, leur font les gros yeux.

Pour faire stopper la rumeur, le roi allait faire semblant d’être amoureux de plusieurs jeunes femmes de la cour, histoire de noyer le poisson.

Il y a Mlle de Chemerault, Mlle de La Vallière (bien sûr) et puis Bonne de Pons, plus inexpérimentée que les autres, donc plus facile à compromettre.

Il commence donc à séduire les trois, qui tombent... dans le panneau.

Tant pis, Bonne !

Sauf que Louis tombe vite fou amoureux de Mme de La Vallière !

Bonne, la première trompée par les fausses attentions du roi, affiche ostensiblement sa joie.

La reine-mère trouve cela fichtrement gênant, et demande à l'une de ses dames d'atours de trouver un prétexte pour renvoyer Bonne chez elle.

Revoilà sa tante la maréchale d'Albret qui la ramène de force à Paris, sous le prétexte que son oncle est patraque. Sauf que… non ! Pas du tout ! Bonne découvre la vérité : on l’a éloignée !

Mais elle ne peut plus retourner à la cour de Versailles. Elle n’ose même pas en parler à la future Mme de Maintenon, son amie.

Louis XIV, entre-temps au courant de la supercherie sur la santé du maréchal, se plaint un moment, mais il ne pensait plus à Bonne depuis longtemps…

Elle aurait pu être favorite, mais le destin en a décidé autrement, vous voyez ?

En plus, le jour où elle revient enfin à la cour, c’est pour se rendre compte que le roi a remplacé La Vallière par une autre maîtresse, Mme de Montespan !

C’était définitivement fini, pour Bonne.

Le châteauLe château | ©Giogo / CC-BY-SA

La Grande louve d'Heudicourt

Sur quoi nous retrouvons Bonne, qui tient un salon à Paris à l’hôtel d’Albret, aux côtés de Françoise d’Aubigné, future Mme de Maintenon, et Mme de Montespan.

« Bizarre, naturelle, sans jugement, pleine d’imagination, toujours nouvelle et divertissante, elle ne pouvait ouvrir la bouche sans faire rire », écrit Mme de Caylus.

Bonne a alors 22 ans, elle est trop pauvre pour pouvoir faire un grand mariage, de trop haut rang pour en faire un médiocre, et le maréchal « ne savait qu’en faire », dit Saint-Simon.

C’est là qu’elle rencontre le marquis d’Heudicourt Michel Sublet, grand louvetier de France.

On ne la surnommera plus que la Grande louve ou plus simplement Mme d’Heudicourt.

Le mariage est vite conclu, c’est Mme de Maintenon qui s’occupe de tout !

Elle écrira :

« Quand Mme d’Heudicourt se maria, je fus si occupée d’elle que je m’oubliai entièrement et me laissai voir à toute la cour, qui vint à ses noces, aussi négligée et aussi lasse qu’une servante. »

Après les noces, c’est encore Françoise qui installe Bonne au château d’Heudicourt et organise les aménagements des décorations intérieures.

Le châteauLe château | ©Giogo / CC-BY-SA

La fin d'une belle dame

Indiscrète, Bonne finit disgraciée pour avoir dévoilé la relation du roi avec Mme de Montespan, dans des lettres écrites à son amant.

C’est l’exil à Heudicourt... Ce n’est qu’en 1676 que le roi l’autorise à revenir à la Cour, grâce à son ancienne et fidèle ami Françoise, devenue Mme de Maintenon.

Bonne meurt dans son petit appartement du château de Versailles à 65 ans, le 24 janvier 1709, veillée par Françoise.

Saint-Simon rapporte :

« La cour fut délivrée d'une manière de démon domestique en la personne de Mme d'Heudicourt, qui mourut sur les huit heures du matin, à Versailles. Elle était devenue vieille et hideuse ; on ne pouvait avoir plus d'esprit ni plus agréable, ni savoir plus de choses, ni être plus plaisante, plus amusante, plus divertissante, sans vouloir l'être. On ne pouvait aussi être plus gratuitement, plus continuellement, plus désespérément méchante, par conséquent, plus dangereuse, dans la privance la plus familière dans laquelle elle passait sa vie avec Mme de Maintenon, avec le roi ; tout aussi, faveur, grandeur, places, ministres, enfants du roi, même bâtards, tout fléchissait le genou devant cette mauvaise fée, qui ne savait que nuire et jamais servir… Mme de Maintenon et le roi y perdirent beaucoup de plaisir, et le monde, aux dépens de qui elle le donnait, y gagna beaucoup, car c'était une créature sans âme. »

Source

  • Charles Revillout. Mme d'Heudicourt et Mme de Maintenon. 1872.