La découverte
En 1791, l’ancien cimetière entourant la basilique Saint-Michel, est supprimé.
C’est en déterrant les sépultures que l’on découvre des corps momifiés : 70, 75, dans un état de conservation incroyable !
Elles sont transférées dans la chapelle sépulcrale du clocher de Saint-Michel ; on les dispose côte à côte, contre les parois, debout.
Un clocher, un charnier
Le charnier de Saint-Michel (carney de Sent-Miqueu) et sa chapelle sépulcrale, existaient bien avant la construction du clocher actuel, bâti dès 1472.
En effet, des documents (en gascon) rapportent que les membres de la confrérie de Saint-Michel, en 1397, font célébrer des « services d’anniversaires » dans ce charnier, pour l'anniversaire de saint Étienne, et paient 5 sols des prêtres pour chanter la messe :
« Pagueren lo jorn de sent Esteffe d’Aost, aus Capperans que canteren la messa deu anniversari au carney Sent-Miqueu. »
Au début du 16e siècle, on célébrait même encore des services funèbres.
Ainsi, les archives mentionnent en 1514 des histoires de tahuts (petits sarcophages) et de draps mortuaires, qui devront être placés sur les sépultures.
Théophile Gautier et les momies bordelaises
La visite des momies est une attraction phare, au 19e siècle !
Théophile Gautier rapporte des détails impressionnants, lors de sa visite au caveau, en 1843.
La vue de ces cadavres debout, dans la pénombre, dont l’ombre vacille à la lueur tremblante de la bougie, l’impressionne terriblement !
« L’imagination des poètes et des peintres n’a jamais produit de cauchemar plus terrible. Il n’est jamais sorti de la nuit allemande de plus abominables spectres ; ils sont dignes de figurer au sabbat de Brocken avec les sorcières de Faust. »
Il décrit les « crânes à demi pelés », les « poumons desséchés et flétris comme des éponges », des « bouches baillant affreusement comme contractées par l’incommensurable ennui de l’éternité, ou ricanant d’un rire sardonique du néant qui se moque de la vie »...
Spasmes mortels et odeur poussiéreuse
Le gardien du caveau, lors de la visite, lui évoque les destins tragiques de ces inconnus.
On compte :
- un jeune garçon emmuré vivant ;
- un général tué d’un coup d’épée, en duel ;
- un géant à la carrure d’Hercule, mort « en levant un poids énorme » ;
- une femme noire « pas beaucoup plus noire que les blanches auprès d’elle » ;
- une famille entière empoisonnée par des champignons, dont les corps portent encore la trace des spasmes mortels ;
- une femme qui a encore toutes ses dents « et la bouche presque fraîche »…
À l’époque de la visite de Gautier, le sol est couvert d’un « détritus humain de 5 mètres de profondeur ».
Une odeur « fade et poussiéreuse plus désagréables que les âcres parfums du bitume et du natrum égyptien » embaume le caveau.
En plus, le pauvre gardien dispose d'un logement avec sa famille, au premier étage du clocher !
La renaissance du charnier
En 1979, ce qui avait été l’attraction la plus courue de Bordeaux ferme au public.
Problème de conservation des momies, de vol, de détérioration… En 1990, les corps sont inhumés au cimetière de la Chartreuse.
En 2013, le caveau rouvre, mais sans les momies. Elles apparaissent aujourd'hui sous forme d’images projetées sur les murs du caveau.
Sources
- Raymond Corbin. Saint-Michel de Bordeaux. 1877.
- Dom Devienne. Histoire de la ville de Bordeaux (tome 1). 1862.
- Léo Drouyn. Bordeaux vers 1450. 1874.
- J.B. Richard. Guide du voyageur aux Pyrénées. 1855.