Balthazar Gérard, le Franc-Comtois assassin du père fondateur des Pays-Bas, Guillaume Ier d'Orange-Nassau

Vuillafans abrite la maison natale de Balthazar Gérard qui, en 1584, assassine le prince Guillaume Ier d'Orange-Nassau, le fondateur des Pays-Bas actuels.

Habsbourg et comté de Bourgogne

Vuillafans se trouve en Franche-Comté, qui, à l'heure de notre histoire, ne s'appelle pas encore ainsi, mais comté de Bourgogne.

Une région sous domination du Habsbourg roi d'Espagne Philippe II, fils du célèbre empereur du Saint-Empire Charles Quint. Donc, sous domination catholique.

Ça tombe bien ! Balthazar Gérard et sa famille sont de pieux catholiques.

Et le prince Guillaume d'Orange-Nassau, à la tête de la révolte protestante, en guerre contre l'Espagne catholique, est la bête à abattre !

Vuillafans | ©JGS25 / Wikimedia COmmons / CC-BY-SA

Qui est Guillaume d'Orange-Nassau ?

• Il est considéré comme le père fondateur des Pays-Bas actuels : l'hymne hollandais, Wilhelmus van Nassouwe, lui est dédié. La devise actuelle du pays, Je maintiendrai, on la lui doit aussi. Tout comme l’orange, la couleur nationale !
• Allemand d'origine, protestant, il est au début un membre fidèle de l'entourage des Habsbourg, avant de devenir le chef de la révolte des provinces du nord des Pays-Bas (protestantes), rebellées contre le fils de Charles Quint, Philippe II d'Espagne ;
• 3 fois veuf, il épouse en 4e noce la fille du grand amiral protestant Gaspard de Coligny, héros des guerres de Religion, en France.

Guillaume Ier d'Orange | ©Rijksmuseum / CC0

La situation des Pays-Bas, pour comprendre le geste de Gérard

Les Dix-Sept provinces

Au début du 16e siècle, les Pays-Bas sont constitués de Dix-Sept provinces (du Nord de la France à la Belgique en passant par le Luxembourg).

Des états rassemblés depuis le Moyen Age par les ducs de Bourgogne, passés par alliance aux Habsbourg : à l'empereur Charles Quint, puis à son fils Philippe II d‘Espagne.

La guerre de Quatre-Vingts Ans

Dès 1568, le protestant Guillaume Ier d’Orange-Nassau, nommé gouverneur général de Hollande et de Zélande en 1559, prend la tête de la révolte des provinces protestantes du nord des Pays-Bas, contre l’Espagne catholique.

En cause ? Les persécutions contre les protestants, des impôts excessifs que le gouverneur espagnol impose aux révoltés...

C’est le début de la guerre de Quatre-Vingts Ans !

Les Provinces-Unies

En janvier 1579, les Provinces-Unies se constituent ; elles réunissent les 7 provinces protestantes du nord du pays, insurgées contre l'Espagne (dont Zélande, Hollande, Frise).

L'Espagne reconnaîtra leur indépendance en 1648, à la fin de la guerre de Quatre-Vingts Ans.

Carte des Pays-Bas (1598) | ©Rijksmuseum / CC0

Guillaume d'Orange devient l’ennemi public n°1 !

En juin 1580, le roi d’Espagne Philippe II publie un édit de proscription contre Guillaume Ier : ce texte officiel donne « l’autorisation », à qui le voulait, de tuer le prince d’Orange, considéré comme un dangereux traître et un hérétique !

L’édit promet 25 000 écus, ainsi que des lettres de noblesse.

On comprend pourquoi Guillaume avait déjà été victime de 3 tentatives d'assassinats (Jaureguy à Anvers, Salseda et Basa à Bruges) !

Quid de la 4e tentative, par Balthazar Gérard ? Celle qui sera fatale ?

Nous y voilà !

Mort de Guillaume Ier (J. Luyken, 1730) | ©Rijksmuseum / CC0

Balthazar Gérard s'en va assassiner la prince

Balthazar Gérard naît vers 1557 dans cette maison de Vuillafans. Le 9e enfant de Jean Gérard, châtelain et juge, et de Barbe d'Emskercke, originaire du comté de Hollande.

« De bonne heure », son esprit s'agite. Il répète qu'il tuera un jour le prince d'Orange, à qui il attribue tous les maux du monde ! L'idée devient obsessionnelle. Il finit par se rendre à Delft, au palais du prince d’Orange, le Prinsenhof.

Il s’y présente sous le faux nom de François Guion, natif de Besançon : il raconte avoir toujours été fidèle au prince, et désire le servir, en fidèle protestant en fuite qu'il est.

Quelques jours plus tard, le 10 juillet 1584, Gérard décharge trois balles dans la poitrine de Guillaume d'Orange.

Celui-ci meurt sur le coup, après avoir murmuré ces célèbres paroles :

« Mon Dieu, aie pitié de mon âme, je suis blessé ; mon Dieu, aie pitié de mon âme et de ce pauvre peuple ! »

Maison natale de B. Gérard | ©JGS25 / Wikimedia COmmons / CC-BY-SA

L'exécution insoutenable du Franc-Comtois Gérard

L'exécution de Balthazar Gérard est précédée d’heures de tortures inouïes, plus ou moins étranges.

Notamment celle qui consiste à badigeonner son corps de miel, avant de faire venir un bouc, « pour le lécher avec sa langue fort scabreuse et âpre » ; le but étant qu'en le léchant, le quadrupède « emporta la peau et la chair toute ensemble. » Mais le bouc... refuse !

Gérard est finalement exécuté à Delft. À tout petit feu.

• il a d'abord la main droite brûlée dans « un gaufrier ardent » ;
• bras, jambes et cuisses sont tenaillés avec un fer rouge ;
• il est encore vivant, lorsque le bourreau lui ouvre le ventre, lui arrache les entrailles, lui découpe la poitrine dont il tire le cœur, qu'il lui jette au visage. Gérard supporte le tout sans un cri ;
• le bourreau découpe son corps en quatre morceaux, qu'il plante sur des fourches aux quatre portes de la ville. La tête, piquée sur une lance, est exposée derrière le lieu du crime, le Prinsenhof.

Exécution de B. Gérard (anonyme, 1584) | ©Rijksmuseum / CC0

Le détail qui tue... pour la fin !

Vous vous rappelez l’édit du roi d'Espagne Philippe II, en 1580, qui promettait 25 000 écus et des lettres de noblesse à celui qui tuerait Guillaume d'Orange ?

Chose promise chose due, il expédie finalement la récompense en question à la famille de Gérard… en 1590.

Et encore : ce sont les sœurs et frères de l'assassin qui avaient réclamé leur dû !

Source

• Alexandre Joseph Namèche. Guillaume le Taciturne, prince d'Orange et la révolution des Pays-Bas au 16e siècle (tome 2). 1890.