Les Biencourt ont sauvé Azay-le-Rideau de la ruine, mais ont aussi subi une occupation prussienne éprouvante...
Un château au bord de la ruine
Pommes de terre et peupliers
Au 18e siècle, le château nécessite quelques travaux… En effet, les toitures n'ont plus d'ardoises, le carrelage de l'escalier d'honneur est usé, parquets, volets et boiseries font grise mine !
Puis Azay-le-Rideau est vendu en 1791 au marquis Charles de Biencourt, maréchal de camp et des armées du roi.
On est en pleine Révolution, en 1793 : il se fait arrêter et emprisonner, car il a été notamment député de la noblesse aux États Généraux de mai 1789 et a supporté le roi.
En 1794, le revoilà à Azay.
Il retrouve son château abîmé, mais il n’y touchera pas, s’occupant plutôt, en passionné d’agriculture qu’il est (on dit qu’il a introduit la culture de la pomme de terre en Touraine), de projet d’aménagement d’un parc paysager.
Il avait fait déjà son choix d’essence : 600 mûriers, 200 frênes le long de l’Indre, 8 peupliers de Caroline (un arbre américain fraîchement introduit en France), des peupliers blancs de Hollande...
Le grand escalier est sauvé
Il meurt en 1824, c’est son fils qui prend la relève, Armand François.
C’est ce dernier qui rétablit les voûtes et les lucarnes dans leur style originel, ainsi que les décorations du grand escalier, dont il fait sculpter les médaillons, avec le portrait des rois et reines de France.
En 1840, il reçoit même une subvention des Monuments Historiques !
Les Prussiens à Azay-le-Rideau !
Charles Marie Christian de Biencourt prend la relève à la mort de son père, en 1862.
Mais en 1870, c’est la guerre franco-prussienne.
Le château d’Azay est occupé par les Prussiens, notamment le prince Frédéric-Charles de Prusse.
Il aurait échappé à un attentat : la chute d’un lustre dans la salle à manger, pile sur la table à laquelle il est en train de manger !
Entre février et mars 1871, les Biencourt doivent même trouver refuge dans les communs...
L'occupation
Dans ses mémoires, Charles Marie Christian de Biencourt écrit :
« Février 1871. En arrivant à Azay après l'armistice, j’ai trouvé la ville occupée par 1000 hommes et 600 chevaux. 42 officiers se faisaient nourrir à l’hôtel aux frais de la ville, à raison de 10 fr. par jour et par tête. Le château était aussi occupé de la cave au grenier, et les nombreux officiers avec le colonel qui y logeaient, se faisaient servir à mes frais trois copieux repas par jour. Ils buvaient mon vin et n’étaient pas satisfaits de ne pas trouver de vin de Champagne. Ils invitaient leurs camarades de Tours et se servaient de mes voitures qu’ils brisaient. »
Une incroyable lettre indignée !
Il ajoute que le pire a été la venue du prince Frédérick-Charles et du prince héritier avec « un nombreux état-major », depuis Tours.
Ils s’installent au château, s’y font servir de copieux repas aux frais de Biencourt « et s’en retournent le ventre plein, satisfaits de leur journée. »
Ce qui pousse le marquis à se fendre d’une petite lettre indignée… au prince lui-même !
« Château d'Azay-le-Rideau, 21 février 1871. Monseigneur, il a plu à Votre Altesse Royale de venir visiter le château d’Azay. En d’autres temps, j’eusse été très honoré de cette visite. Aujourd’hui, je suis forcé de dire à Votre Altesse Royale combien je trouve ses façons étranges et grossières. N’oubliez pas, monseigneur, que vous n’êtes pas au soir d’une bataille ; vous occupez le département d’Indre-et-Loire en vertu des conditions d’un armistice, et rien ne vous donne le droit de venir chez moi, de vous y faire servir malgré moi, de manger mon pain et de boire mon vin. Les gentilshommes de votre état-major, les officiers de votre armée et vous ne savez rien des égards que les gens bien élevés observent entre eux ; vous ignorez le respect que, chez les nations civilisées, le vainqueur doit au vaincu. En vous asseyant à ma table, en vous faisant héberger à mes frais, en exigeant du vin de Champagne que je n’avais point, vous me donnez le droit, dont je suis profondément triste, de vous parler comme je le fais. En voyant les façons de leur prince, je ne m’étonne plus des procédés parfaitement grossiers des officiers de votre armée qui souillent ma demeure et se font nourrir chez moi à mes frais depuis le 4 février. Veuillez agréer, monseigneur, l’expression des sentiments d’indignation que j’ai dans le cœur. J’ai l’honneur d’être, monseigneur, avec le plus profond respect de Votre Altesse Royale, le plus humble ennemi. »
Biencourt à court d’argent doit bientôt vendre Azay, qui changera plusieurs fois de propriétaires, avant de devenir propriété de l’État en 1905.
Sources
- Marie Latour. Le Château d'Azay-le-Rideau. Éditions du Patrimoine, 2008.
- Charles de Biencourt. 1871-1875 : au jour le jour. 1875.