Trois favorites pour le prix d'une : le coup de foudre de Louis XV à Rambouillet

Pour tout savoir en deux mots !

C'est le château de Rambouillet, nous dit entre autres André Castelot dans Au fil de l'Histoire (1980), qui sert de cadre à la toute première infidélité de Louis XV.

La favorite s'appelle Louise Julie de Mailly-Nesle.

Avant que le château ne serve d’écrin aux amours du roi avec 3 autres des sœurs Mailly-Nesle !

Tout ceci dans la demeure de proches parents de Louis XV : le comte et la comtesse de Toulouse.

Julie de Mailly (Nattier, 1730) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

Chez le comte et la comtesse de Toulouse

En 1706, le château de Rambouillet, dont les bases datent du 14e siècle, et qui a notamment vu mourir François Ier, passe dans les mains des Bourbons.

En la personne... du comte de Toulouse, Louis Alexandre de Bourbon : le fils légitimé de Louis XIV et de Mme de Montespan !

Le comte et son épouse (née Marie-Sophie de Noailles) vont consacrer leur vie à embellir leur château, faisant de Rambouillet un palais aux décors somptueux.

C'est ainsi qu'ont été aménagés à cette époque les actuels boudoir de la comtesse et ses somptueuses boiseries blanches, le grand salon de la comtesse et ses tapisseries sur le thème de l'Amour, le salon du Méridien...

Boudoir de la comtesse, Rambouillet | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

L'étiquette n'existe plus, le roi revit !

Louis XV se rend à Rambouillet chez son oncle 2 à 3 fois par semaine, dès ses 16 ans, en 1726 : ses séjours deviennent de plus en plus nombreux dès 1733, année de sa rencontre avec Louise Julie.

Louis trouve à Rambouillet un havre de paix, un paradis de plaisirs, de bonne chère, loin de la lourde étiquette de Versailles. Il est reçu comme chez de très bons amis, des confidents !

À l'image de ce déjeuner appelé « petit pot », servi sur plusieurs tables de jeu : un plat composé d'un jambon, d'un faisan, de perdrix, lapin, collet de mouton, ailerons de dinde, saucisses, tranches de bœuf, veau et lard, « cuits ensemble pendant 8 heures sur des cendres chaudes »...

Le cérémonial, à Rambouillet, n’existe plus. Par exemple, certains soirs, le roi ne se fait servir qu’un bouillon et un bout de pain, qu'il mange en jouant aux cartes !

Boudoir de la comtesse : détail | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Louis XV s'éloigne de sa famille

Mais pourquoi diable Louis XV passe-t-il du temps à Rambouillet, loin de sa famille ? De plus en plus fréquemment, dès l’année 1733 ?

Le roi a alors 23 ans. Marié avec Marie Leszczynska depuis maintenant 8 ans, il est déjà père de 5 enfants, dont 2 viennent de mourir.

Le couple aura 10 enfants, entre 1727 et 1737. Comptez bien... un par an, quasiment ! Ce qui fait soupirer à la reine le terrible « Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher ! »

D'ailleurs en 1733, la reine Marie vient de donner naissance à une fille. Louis s'éloigne petit à petit de son épouse.

Il trouve du réconfort, une bouffée d’air frais auprès de son oncle à Rambouillet. La chasse, les parties de cartes l’occupent... mais pas que !

C’est cette même année 1733 où Louise Julie de Mailly-Nesle apparaît dans sa vie, au château.

Louis XV d'après Blakey (1739) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

La rencontre avec Mme de Mailly

Une dame de la Cour

Le gratin parisien, les dames de Versailles se pressent au château de Rambouillet, où la comtesse de Toulouse tient salon.

Parmi elles, donc : la comtesse Louise Julie de Mailly-Nesle.

• Par sa mère, elle est l'arrière-petite-nièce du cardinal Mazarin ;
• par son père, elle descend d'une très vieille famille de la noblesse picarde.

Elle occupe à la Cour la place de dame du palais de la reine Marie, depuis 1729.

Le roi sous le charme !

Les mauvaises langues la décrivent comme « ni jeune, ni belle, le teint plus brun que blanc. »

« Le regard était un peu dur, le son de sa voix était rude, la gorge et ses bras laids, elle était grande, marchait d’un air assez délibéré mais n'avait ni grâces ni noblesse. »

Mais ce qui charme le jeune roi, c’est son caractère !

« Elle avait beaucoup d’esprit de la probité, elle était amusante, enjouée, d’une humeur égale, amie sûre, généreuse, compatissante, cherchant à rendre service. »

Pierre Gaxotte, dans Apogée et chute de la royauté : Louis le Bien-Aimé (1973), écrit :

« Louis XV était de ceux que l'extrême beauté intimide plus encore qu'elle ne les trouble. Mme de Mailly lui plut d'autant mieux qu'elle n'intimidait personne, qu'elle ne prétendait à rien et qu'elle avait les façons d'une bonne camarade. »

Grand salon de la comtesse, Rambouillet | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

4 sœurs Mailly-Nesle dans le cœur d'un roi

Au château de Rambouillet, Louise Julie obtient son propre « logement joignant celui que le roi s'était réservé au-dessus de ses cabinets », à l'entresol.

Les séjours des deux amants à Rambouillet se multiplient, jusqu’en 1739. Cette année-là, Louise Julie présente innocemment au roi l’une de ses sœurs, sa cadette Pauline.

Très mauvaise idée ! Celle-ci prend la place de sa sœur, et la fait même chasser de la cour !

Oh, oui... on ne vous avait pas dit ? Les sœurs Mailly-Nesle sont au nombre... de 5 ! 4 d'entre elles finissent successivement maîtresses de Louis XV, après des amours vécues à Rambouillet :

• Pauline meurt en couches en 1741 après la naissance de celui que l'on appelait « Demi-Louis »... en raison de sa ressemblance troublante avec le roi ;
• viendront Diane la duchesse de Lauraguais, puis Marie-Anne, élevée au rang de duchesse de Châteauroux.

Grand salon de la comtesse : détail | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

La suite !

Quid du château, après le passage du comte de Toulouse et des amours de Louis XV ?

Son successeur, le roi Louis XVI, lorgnait depuis un moment déjà sur le domaine de son cousin…

Il achète Rambouillet en 1786 au fils du comte de Toulouse, le duc de Penthièvre.

Mais c’est une autre histoire !

Sources

• Pierre de Nolhac. Louis XV et Marie Leczinska : Versailles et la cour de France. 1928.
• G. Lenôtre. Le château de Rambouillet : six siècles d'histoire. 1930.
• Jean-Christian Petitfils. Louis XV. Perrin, 2014.
• Michel Antoine. Louis XV. Fayard, 1989.
• Alfred de Beauvoir. Le Dix-Huitième siècle : étude, politique et morale d'après les écrits contemporains (tome 1). 1863.
• Henri Carré. La cour au temps de Louis XV. Bulletin de la faculté des Lettres de Poitiers (année 1890).
• F. Lorin. Rambouillet : la ville, le château, ses hôtes. Mémoires de la Société archéologique de Rambouillet (tome 19). 1906.