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Stanislas Leszczynski

Stanislas, Nancy | Léna / CC-BY
Stanislas Leszczynski

Un roi polonais sans terre en Lorraine ? Oui, mais aussi duc de Lorraine et de Bar, père de la reine de France Marie Leszczynska, créateur du baba au rhum... Vous en voulez encore ? Gourmand, gourmet, généreux, il aime les femmes, la vie.

Il transformera Nancy en une éblouissante capitale, la ville qu'on connaît aujourd'hui, classée au patrimoine mondial de L'U.N.E.S.C.O. !

Un roi qui fait de ses châteaux lorrains une cour brillante : l'esprit des Lumières vient de frapper !

Imaginons un moment qu'un des amis de Stanislas, Montesquieu, réponde à nos questions...

SOMMAIRE

1 - Biographie 2 - Stanislas et ces dames 3 - Les châteaux de Stanislas 4 - L'impossible monsieur Bébé ! 5 - A table ! 6 - Stanislas à Nancy

Biographie

Anecdotrip : Bonjour monsieur de Montesquieu ! On va parler un peu de Stanislas ? Montesquieu : Bien sûr, avec plaisir. Commençons par son enfance. Pas très facile, on dirait ?

Non, pas vraiment ! Il naît le 20 octobre 1677 à Léopol en Pologne. L'actuelle Lvov en Ukraine...

Oui. Il descend d'une vieille famille originaire de Bohème dont Philippe de Perztyn est le premier membre, en 965. Ses descendants s'installent dans la ville de Leckno et prennent le nom de Leszczynski.

Son père s'appelle Raphaël III, trésorier de la République et général de la Pologne. Sa mère, c'est Anna Jablonowski.

Stanislas ne paie pas de mine à sa naissance. Faible, tout souffreteux, il passe ses premières années dans les jupes de sa mère. Ensuite, c'est son père qui se charge de son éducation.

Il lui fait endurer le froid, la faim, la soif, lui apprend à monter à cheval, à manier l'épée. De quoi se refaire une santé ! Son père ne lui permet aucun luxe, il le fait dormir à même le sol sur un peu de paille. Mais du coup, Stanislas prend du poil de la bête !

Ca oui ! Même si bon, c'est bien, l’entraînement physique, mais il faut aussi développer les choses de l'esprit... Heureusement qu'il a sa mère pour lui apprendre des matières plus « calmes » : le latin, le français, l'italien, les mathématiques, les arts.

Avec tout ce bagage en poche, Stanislas quitte la Pologne histoire de voyager un peu. Il va en Italie, en France : Florence, Paris ! Du rêve pour le jeune homme qui avait toujours rêvé de voir l'Europe !

Du coup, il reste à Paris pour faire ses études, prendre du bon temps. Il rentre en Pologne à 19 ans.

Et là, bim ! On lui met sur la tête la couronne de staroste ! Celle de staroste d'Odolanow, oui. Qu'est-ce qu'un staroste au juste ?

C'est dans la Pologne ou la Russie d'autrefois un noble à qui l'on donne un fief appartenant à la Couronne, la starostie. Quelle est la situation du pays à ce moment précis ?

Eh bien, Jean Sobieski, le roi de Pologne, vient de mourir. Son fils Jacques doit normalement lui succéder mais des intrigues visant à s'emparer de la couronne surviennent. Et c'est finalement Frédéric-Auguste de Saxe qu'on élit roi de Pologne sous le nom d'Auguste II !

Stanislas, lui, que fait-il ? Il se rallie au roi, qui le nomme échanson de la Couronne puis palatin de Posnanie en 1703.

Mais le roi s'était allié avec le tsar de Russie pour combattre les Suédois... autant vous dire qu'un joyeux grabuge commence : les troupes suédoises entrent en Pologne et chassent le roi Auguste ! On n'a jamais vu ça... En février 1704, le roi polonais Auguste II est déchu.

Et à côté de ça, il faut aller calmer les armées suédoises. C'est Stanislas qu'on envoie parler de paix. Il y arrive très bien !

Du coup, comme on a plus de roi en Pologne, on décide d'élire Stanislas... nouveau souverain ! Mais Auguste II restait à rôder dans le coin, à ruminer son retour... Il tente même d'enlever Stanislas !

Opération qui échoue... Prudent, Stanislas s'allie alors avec le roi suédois Charles XII pour chasser définitivement Auguste de Pologne.

Il peut ensuite se faire couronner et, cerise sur le gâteau, se marier avec Catherine Opalinska, la belle et riche Catherine, qui a 18 ans...

Bon, ça y est, Stanislas est roi de Pologne. Mais la situation est-elle stable pour autant ?

Non ! Pas du tout ! On a toujours notre roi déchu, Auguste, qui mijote encore quelque chose : il s'allie aux Russes et fait de nouveau éclater la guerre contre les Suédois. Finalement, le roi suédois Charles XII perd la bataille à Poltava en juillet 1709.

Hop, exit, direction... l'exil ! Stanislas, déchu de son trône, file le rejoindre à Bender en Moldavie. Là, Charles XII lui donne la terre des Deux-Ponts en 1714. Il y passe quelques années, tranquille. Tranquille... plus ou moins ! Stanislas ne sera jamais vraiment tranquille, toujours ballotté à droite à gauche.

C'est vrai, jusqu'à son installation en Lorraine, peut-être, où il pourra enfin vivre une trentaine d'années dans la sérénité la plus totale ! Avant ça, la situation ne s'est pas encore démêlée, Stanislas va de château en château, de ville en ville. Il est en exil, quoi ! Puis un jour, sa fille Marie se marie avec le jeune roi de France, Louis XV !

Oui ! Et vous parlez d'une surprise ! On avait prévu tous les cas de figures sauf la venue d'une polonaise comme reine de France...

En fait, Louis a le choix entre une centaine de reines potentielles dans toute l'Europe : l'infante du Portugal, la princesse russe, la princesse anglaise... Quid de la princesse de Pologne ? Marie est catholique, elle est la fille d'un roi sans trône. Bon. Elle est un peu âgée, en plus ! Ooh, 22 ans, c'est tout...

Oui, mais c'est considéré comme un peu vieux à l'époque, pour une future reine ! Une vieille fille diront les mauvaises langues...

Surtout qu'on avait déjà choisi la future reine bien avant : l'infante d'Espagne, qui n'a que... 8 ans. On la renvoie, quitte à s'attirer les foudres de l'Espagne et puis c'est tout... Et puis, comme on a besoin d'héritier, on ne va pas mégoter sur une question d'âge ! La Cour jase comme d'habitude !

Mais bien sûr... C'est quasi obligatoire ! On murmure que la future reine a « des humeurs froides » et « deux doigts qui se tiennent ». Mais le médecin qui l'examine ne trouve rien à redire : « aucune défectuosité », « sa dent saine », « elle n'a eu d'autres maladies que quelques accès de fièvre intermittente »...

Ca n'empêche pas les gens de continuer de médire, le peuple cette fois : les chansons courent dès le lendemain des fiançailles.

« On dit qu'elle est hideuse, mais cela ne fait rien, car elle est vertueuse et très fille de bien, et puis monsieur son père, qui est roi sans Etat, nous gouvernera. » On connaît la suite de la vie de la pauvre Marie, délaissée par son mari infidèle...

Heureusement que la reine peu s'épancher sur l'épaule de son père !Père et fille s'adorent. Stanislas avait 2 filles, Anna, l'aînée, la préférée. Elle meurt à l'âge de 18 ans et laisse un Stanislas inconsolable. Marie devient alors sa fille unique, son trésor.

Ils s'écrivent beaucoup, Marie se confie sur ses douleurs, sur sa solitude de plus en plus pesante, les infidélités de son mari... Elle écrit à son papa :

« C'est une sotte chose que d'être reine. »
Ce à quoi elle ajoute :
« Pour peu que les choses continuent au train où elles vont, on nous dépouillera bientôt de cette incommodité... »


Hé, visionnaire, la reine ! Que se passe-t-il pour Stanislas, alors ?

Sur l'invitation de son gendre, il s'installe à Chambord puis à Meudon. Quelques années bien sombres, solitaires... Stanislas souffre de l'exil, de ce transit sans fin. Va-t-il un jour réussir à poser ses valises quelque part ?

Puis en 1733, Auguste II meurt. Le trône de Pologne est libre ! Mais Stanislas n'est pas vraiment chaud pour le poste... sauf que son gendre l'encourage et dit qu'il le soutiendra en cas de pépin !

Mais la Russie veille au grain. Elle veut que ce soit le fils d'Auguste qui porte la couronne. Alors, elle tient Stanislas à l’œil. Celui-ci va quand même revenir à Varsovie au cours de l'été 1733. Incognito ! Le peuple l'acclame et hop, il est élu roi presque aussitôt. Mais les troupes russes déboulent à Varsovie. Une armée énorme !!

Stanislas, lui, n'a pas beaucoup d'hommes pour le défendre, alors il se retranche dans la forteresse de Dantzig et attend le secours de la France... qui lui envoie à peine 1 000 hommes !

Lui et les habitants soutiennent courageusement le siège mais au bout de presque 3 mois, c'est fini, il faut capituler. Stanislas préfère s’enfuir, incognito, déguisé.

Direction la France ! Là encore, c'est un retour difficile : il est traqué, surveillé, des troupes lancées à ses trousses. Jour et nuit, il franchit rivières, montagnes, forêts sur un chemin toujours plus semé d'embûches... Plus jamais, jure-t-il, il ne sera roi !

Exténué, mordu par le froid glacial, cet homme exilé et chassé aspire plus que jamais à la sérénité... Elle va venir... L'année suivante, c'est ça ?

Oui, quand Louis XV signe le traité de Vienne : Stanislas doit renoncer à toute prétention sur le trône de Pologne mais recevra en échange les duchés de Bar et de Lorraine. Il conservera aussi son titre de roi.

Il abdique en janvier 1736 et revient en France, le 3 avril 1737. Le voilà en Lorraine ! Il y restera 28 ans, il y gagnera même son surnom de Bienfaisant ! Stanislas finit ses jours dans son château de Lunéville...

Oui. Il a enfin sa maison à lui, une stabilité, un confort. Il y vit des jours heureux, suspendus dans le temps... et des jours plus sombres, comme la disparition de sa femme Catherine. Seul, le vieux roi règne alors sur sa petite cour lorraine...

Stanislas devient presque aveugle et sourd, sur ses vieux jours. Il a un terrible embonpoint et marche difficilement. Pourtant, dès qu'une dame fait son apparition, il a de nouveau 20 ans ! Une de ses rares sorties en dehors de Lorraine, c'est de retrouver sa fille et ses petites-filles à Versailles chaque année. Le pauvre Stanislas va mourir d'une façon tragique !

Aah... ce jour de février 1766, le vieux roi a froid. Les hivers lorrains sont diablement plus froids que ceux qu'il a connu en Pologne, ou bien ? se demande-t-il en regardant le petit jour, frileux et rosé, qui se lève derrière le carreau. Tout le château de Lunéville est encore endormi...

Stanislas s'approche de la cheminée pour voir l'heure à la pendule. Trop prêt...

Bien trop prêt ! Sa robe de chambre prend feu en un éclair. Il appelle à l'aide, ses valets de chambre sont normalement à leur poste juste derrière la porte de sa chambre.

Mais personne ne vient. Tant pis ! Le voilà qui cherche à éteindre lui-même les flammes... mais... il titube... tombe par terre... Il sent le feu le dévorer !Enfin, un valet sent la terrible odeur, et malgré la consigne qu'il a de ne jamais entrer chez le roi, il déboule dans la pièce et voit son maître en train de griller, inconscient.

De précieuses minutes se sont écoulées. On le retrouve couverts d'horribles brûlures : les doigts de sa main gauche sont carbonisés, et depuis l’œil jusqu'au genou, tout le côté gauche n'est qu'une terrible plaie. Stanislas sait qu'il va mourir. Alors, il dicte quelques derniers mots pour ses proches, pour sa fille chérie à qui il repense en souriant, malgré la douleur.

Elle qui lui avait dit d'éviter de prendre froid ! « Vous auriez dû, madame, me recommander plutôt de n'avoir pas si chaud » lui écrit-il comme mots d'adieu. Après 2 jours d'abominables souffrances, il rend son dernier soupir... à l'âge avancé de 88 ans. Un record, pour l'époque... Mais son histoire ne s'arrête pas à sa mort ?

Non ! Les Lorrains, les Nancéiens l'ont pleuré, ce bon roi si généreux ! Il ne méritait pas ce que son corps a subi à la Révolution... Que s'est-il passé ?

A cette époque, les caveaux de l'église de Bonsecours (où Stanislas repose) sont reversés. Son corps sera malmené, la tête séparée du corps par un coup de bêche !

Un homme aurait dit : « Il a échappé à la guillotine, eh bien ça ne sera pas le cas après sa mort ! » Quand les restes ont été retrouvés, on les scelle dans le caveau à nouveau. La fin du calvaire ?

Non ! En 1814, les armées polonaises passent par Nancy pour rentrer chez elles, après la Campagne de France. Elles viennent rendre hommage à Stanislas à Bonsecours.

Le général Sokolnicki offre un calice à l'église et la légende dit qu'il repart avec un os de Stanislas en Pologne, pour les déposer en relique dans une église ! (vu dans Souvenirs de la Pologne, historiques, statistiques et littéraires). La rumeur enfle, enfle... et la ville de Nancy, pas vraiment contente, se dépêche d'ouvrir le tombeau de Stanislas pour vérifier... bien sûr, tout est en place !

Stanislas et ces dames

Stanislas a un petit faible pour les femmes !

Stanislas s'installe à Lunéville en 1737. Il adore ce château, qui n'est pas si vieux, puisque le duc de Lorraine Léopold le fait construire entre 1703 et 1720 par Boffrand. Mais à Lunéville, la vie avec sa moitié Catherine n'est pas très gaie. Toujours malade, un brin dépressive, elle n'aime pas la Lorraine et rêve de sa Pologne natale. Stanislas lui, aime la vie, les femmes surtout.

Vivons, que diable ! Il appelle ses aventures d'un soir ses « petites peccadilles ». Il en pince d'abord pour sa cousine germaine la duchesse Ossolinka. Ensuite pour la sœur de celle-ci, la comtesse Jablonowska. Jusqu'à ce qu’apparaisse Catherine de Beauvau-Craon, future marquise de Boufflers, en 1745...

Stanislas a 57 ans. Elle a 34 ans mais en paraît 10 de moins. Catherine n'est pas vraiment belle, elle a un charme fou, nuance ! Le teint pâle, un maintien noble. Gaie, pétillante, très vive d'esprit, on la surnomme la Dame de Volupté. Une vraie épicurienne ! Un peu comme sa mère, la maîtresse du précédent duc de Lorraine Léopold ! Toujours pleine d'esprit, on dit que Catherine compose elle-même sa propre épitaphe :

« Ci-gît, dans une paix profonde, cette Dame de Volupté qui pour plus grande sûreté, fit son paradis de ce monde. »

On l'envoie très tôt au couvent des chanoinesses de Remiremont. Elle y reste jusqu'à l'âge de 23 ans, âge à laquelle Louis-François de Boufflers, marquis de Remiencourt, capitaine au régiment d'Harcourt, la demande en mariage. Il a 3 ans de moins qu'elle. Un monsieur bien né, d'une famille bien noble. Et de toute façon, Catherine n'a pas son mot à dire !Ils s'installent sur leur terre lorraine lorsque Stanislas devient duc de Lorraine, en 1735. Le 3 avril 1737, le voilà qui fait son entrée à Lunéville devant ses nouveaux sujets... dans l'indifférence la plus totale. Les Lorrains, pas réjouis, se mettent à chanter des chansons :
« Oh grands dieux ! Quelle culbute ! Après nos ducs quelle chute ! Monseigneur de La Galaizière, laire, laire, laire, lanlaire, laire, laire, laire, lanla. Que ne laissais-tu à Meudon ce roi qui ne l'est que de nom, Monseigneur de La Galaizière ? »


Catherine et son mari se rapprochent tout naturellement du nouveau duc. Stanislas la remarque bien vite et lui confie la charge de dame du palais de la reine, son mari le poste de capitaine des gardes.

En 1738, Catherine accouche d'un fils et Stanislas devient son parrain : l'enfant s'appelle d'ailleurs Stanislas ! Le futur chevalier de Boufflers... Petit à petit, Catherine prend de plus en plus de place dans la vie de Stanislas. Il règne sur sa petite cour, dominée par la marquise de Boufflers, sa tendre maîtresse. On raconte une petite anecdote sur eux... Vous voyez de quoi je veux parler ?

Aah... oui ! La marquise a ses appartements au rez-de-chaussée du château et Stanislas passe les soirées chez elle à fumer la pipe où à discuter. Un soir, il vient dire bonsoir à sa marquise qui fait sa toilette et se trouve légèrement dénudée.

Tout émoustillé, Stanislas se retrouve tout embêté et n'arrive pas à finir la discussion. Il enfile sa robe de chambre et dit le plus simplement du monde : « Bonne nuit ! Mon chancelier vous dira le reste ! » Sauf que... Stanislas n'est pas le seul en course à faire la cour à la marquise !

Tous les hommes à Lunéville font les yeux doux à la dame ! Dans ce château lorrain gravitent autour de Stanislas et de la marquise le chancelier lorrain de La Galaizière, le président Hénault, Maupertuis, le receveur des finances Devau (qu'on surnomme Panpan), le poète de Saint-Lambert...

Autant d'hommes qui voudraient bien les faveurs de la belle. Oh, et puis, ça ne dérange pas vraiment Catherine de collectionner les aventures, tout en étant la maîtresse officielle de Stanislas ! On va voir ensuite que les choses vont se gâter...

Les châteaux de Stanislas

Les châteaux lorrains de Stanislas, ce sont de petits Versailles, mais sans l'étiquette, la pression, les ragots de la Cour. Un petit bonheur sur terre bien mérité pour ce roi sans terre qui a tant bourlingué !

On ignore souvent que Stanislas a habité à Chambord ! On voit toujours le beau château comme la demeure de François Ier, point barre...

Et pourtant... Tout commence lorsque Marie Leszczynska devient reine de France à Strasbourg. Après le sacre, elle se dirige vers l'Ile-de-France, à Fontainebleau.

Pendant ce temps, Stanislas gagne Chambord que son gendre a complètement réaménagé pour lui (100 000 livres de travaux, rapportent les comptes).

Il faut dire que le château était abandonné depuis un petit moment lorsque Stanislas y vient en 1725 ! Mais la solitude s'empare de lui... les pires années de sa vie ? Boh, le roi a vécu tellement d'exil et de déplacements... Il écrit à son confident :

« Je vous dirai que Chambord est charmant pour moi si ce n'était un abîme pour une chèreté inconcevable. »


Mais vous savez quoi ? Les archives de la paroisse de Chambord conservent le souvenir d'un Stanislas bien sympathique, qui se présente spontanément à chaque baptême comme parrain des nouveau-nés ! Stanislas réaménage Chambord, non ?

Tout à fait ! Catherine Opalinska, sa moitié, transforme la chapelle du premier étage de la tour d’Orléans, collée à la galerie, en oratoire. C'était l'ancienne chapelle des appartements privés de Catherine de Médicis, dont la voûte est décorée des armes de François Ier. On voit toujours cette petite pièce aujourd'hui.

Mais tout ne va pas bien, à Chambord... Hé non, puisque la famille de Stanislas tombe malade ! La faute à ces maudits marais insalubres de Sologne qui entourent le château ! Stanislas a beau faire combler les fossés pour essayer éradiquer les eaux stagnantes, des fièvres abominables les prennent.

Le médecin leur conseille de s'en aller le plus vite possible. Mais pour aller où ? On les trimbale à gauche, à droite. Jusqu'au jour où enfin, Louis XV loue à son beau-papa le château de Ménars. « Une terre et une maison enchantée », dit Stanislas dans ses lettres. Stanislas et sa femme y resteront entre 1728 et 1832. Le début du bonheur ? En tout cas, le château préféré de Stanislas reste Lunéville !

Ah, Lunéville... Son chef-d’œuvre ! Et sa maison préférée, oui ! A quoi ressemble ce château ?

Imaginez d'abord une décoration comme vous n'avez jamais vu ! Oubliez les appartements de Versailles : à Lunéville, c'est le nec plus ultra ! Imaginez une salle-à-manger avec 12 grands tableaux sur l'histoire d'Achille, une pendule astronomique, une tribune pour les musiciens, des lustres de cristal.

Imaginez la chambre de parade, avec sa tapisserie de velours rouge et or, son grand lit à impérial tout en soie, ses 5 vases de porcelaine de Sèvres, plus des étoffes qui coûtent plus cher que tous les meubles réunis ! Imaginez le grand salon avec une vingtaine de tables de tric-trac, de cartes... toute la cour vient ici pour jouer ! Vous voyez l'animation, les rires, qui règnent dans la pièce ?

Il faut dire que Stanislas s'entoure bien : des hommes de lettres et des philosophes mais aussi une armée d'artistes à ses ordres : Jean Lamour devenu « serrurier du roi de Pologne », les sculpteurs Barthélémy Guibal, Joseph Sontgen, les frères Adam, le peintre Girardet... et bien sûr Emmanuel Héré.

Son architecte attitré !

Héré s'occupe du réaménagement du château de Lunéville entre 1737 et 1750. Stanislas veut faire agrandir et embellir le parc ?

Allez ! La première chose qu'il fait est d'assainir les marais alentours. Dans le parc, il fait construire 8 pavillons, avec chacun 3 cabinets et une chambre, chacun avec son jardin privatif.

Ce sont des maisons destinées aux courtisans de Stanislas, mais ces derniers doivent y venir au moins au printemps et en été et offrir un dîner au roi une fois par mois ! Ensuite, des canaux apparaissent. Plus loin, le kiosque, où Stanislas vient dîner l'été avec ses amis. Voltaire en dit :

« Ce salon magnifique, Moitié turc et moitié chinois, Où le goût moderne et l'antique Sans se nuire ont uni leur loi. »

En 1739, Héré fait construire le château de Chanteheux, qui termine la perspective du parc de Lunéville.Il crée aussi un pavillon du nom de Trèfle, une maison à la turque qui évoque la forme d'un trèfle : à l'intérieur, une chaise percée, 3 chambres et un salon de marbre ! Sur la terrasse, sur un énorme rocher artificiel, imaginez un décor jamais vu encore : une centaine d'automates animés grandeur nature : un moulin dont la roue tourne, un joueur de cornemuse, un soûlard qui frappe à la porte d'une auberge et reçoit un seau d'eau sur la tête... Ajoutez à ça des cris d'animaux, des vois humaines et le bruit du tonnerre ! Tout ça réalisé par les soins du mécanicien François Richard. Lunéville devient une sorte de paradis sur terre. Même moi qui y vient en 1747 avoue :
« J'ai été comblé de bontés et d'honneur à la cour de Lorraine. J'ai passé des moments délicieux avec le roi Stanislas. »

Stanislas reçoit même Voltaire ?

Oui ! A Lunéville, Stanislas règne sur une petite cour dominée par sa maîtresse, la marquise de Boufflers. A la mort de la reine, Stanislas a 66 ans et encore toutes ses dents.

Il veut aimer, il veut recevoir des gens ! « On annonce que le roi Stanislas a exigé à sa cour que Voltaire et madame du Châtelet fissent à l'avenir leur pâques. » (vu dans Voltaire et la société française au XVIIIe siècle de Gustave Desnoiresterres). On connaît la position radicale de Voltaire sur la religion... et bien, pour fêter la Pâques 1748, il ira en Lorraine ! Voltaire à l'époque, c'est la bête noire de Versailles, l'homme le plus détesté de la cour ! La reine Marie, très bigote, le déteste plus que tout. Mais à Lunéville, on le reçoit les bras ouverts avec sa maîtresse, la savante marquise du Châtelet, la piquante Emilie.

C'est un Voltaire plus apaisé que jamais qui écrit :

« Je coule ici mes heureux jours Dans la plus tranquilles des cours, sans intrigue, sans jalousie Auprès d'un roi sans courtisans près de Boufflers et d'Emilie. »

A Stanislas il confie :
« Vous faites à jamais notre bonheur suprême Et vous nous donnez tous les jours Un spectacle inconnu trop souvent dans les cours : c'est celle d'un roi que l'on aime. »


Dans Voltaire et la société française au XVIIIe siècle tome 3, on apprend un peu plus sur les déroulés des journées à Lunéville.

Stanislas a la passion de la construction, il passe sa matinée avec ses architectes et ses sculpteurs à discuter des aménagements de nouvelles grottes, de nouvelles fabriques pour ses jardins. L'après-midi, on va au concert, on joue à la comète... La comète ? C'est quoi ?

Un jeu de cartes très à la mode au XVIIIe siècle. A Lunéville, Stanislas et ses amis en sont fanas ! La comète s’appelle aussi manille. Je crois que le séjour de Voltaire n'a pas vraiment bien commencé...

Ah ça, non. Au début, Voltaire se prend le bec avec Alliot, qui ne l'aime pas beaucoup. Voltaire travaille beaucoup dans sa chambre et demande souvent à ce que son repas soit servi à son bureau. Mais on ne lui apporte jamais à manger ! Simple oubli ? En tout cas, Voltaire écrit à Stanislas pour se plaindre :

« Les rois sont, depuis Alexandre, en possession de nourrir les gens de lettres. Et quand Virgile était chez Auguste, Alliotus, conseiller autique D'Auguste, faisait donner à Virgile du pain, du vin et de la chandelle. Je suis malade aujourd'hui et je n'ai ni pain ni vin pour dîner. »


Alliot a été obligé d'obéir, après ça ! Bon, c'est un paradis, Lunéville, mais pourtant en coulisses l'orage gronde... Je veux parler des relations entre Voltaire, sa maîtresse et Mme de Boufflers...

Oh là, mais quel panier de crabes, excusez-moi l'expression ! On avait dit plus haut que les choses allaient se gâter. Voilà, on est en plein dedans ! De tous ses amants, celui qui l'aime le plus fort, c'est bien le poète Jean-François de Saint-Lambert.

Du côté de la marquise, bah... ça va, ça vient... Et lorsque Catherine la volage va voir du côté d'un énième homme, Adhémar de Marsannes, Saint-Lambert pique une colère noire et se tourne vers la non moins piquante Emilie, Mme du Châtelet... la maîtresse de Voltaire, qui vient d'arriver à Lunéville ! Juste pour rendre jalouse Catherine... et ça marche ?

Euh, disons que... Emilie est la maîtresse, l'amie de cœur de Voltaire, mais voir ce séduisant et jeune monsieur lui faire la cour l'émoustille drôlement... elle se laisse finalement aller. Rho, puis Voltaire était devenu une vraie plaie ces derniers temps ! Sans arrêt en train de se plaindre, souffreteux, avec ses tisanes, ses pastilles, ses bouillons !

Emilie succombe donc au beau Saint-Lambert. Ils échangent des mots enflammés, à base de :

« Je volerai chez vous dès que j'aurai soupé. Madame de Boufflers se couche. Elle est charmante et je suis bien coupable de ne lui avoir pas parlé ; mais je vous adore, et il me semble que quand on aime, on n'a aucun tort. Il faut que j'aille par les bosquets... »


Mais manque de pot terrible, Emilie et Catherine deviennent de très bonnes amies ! Ce qui a aussi complètement ruiné les projets du confesseur de Stanislas de jeter Emilie dans les bras de celui-ci pour mettre dehors Catherine... Eh ben, il s'en est passé des choses à Lunéville, en 1748 ! Et la suite ?

Voltaire apprend quelque mois plus tard l'aventure de sa maîtresse avec le poète. Le cœur brisé, elle l'achève en lui apprenant qu'elle est enceinte.

Voltaire se liquéfie. Et dans la nuit du 3 septembre 1749, Emilie meurt en donnant naissance à une fille... la fille de Saint-Lambert. Catherine, elle, meurt en 1787. Partons pour Commercy, maintenant. L'autre château préféré de Stanislas ?

Effectivement. « On a de tout ici, hors du temps », écrit Mme du Châtelet dans ses Lettres. Stanislas acquiert le château de Commercy à la mort de la veuve du duc de Lorraine Léopold, Elisabeth-Charlotte d'Orléans, en 1745. Le prince de Vaudémont l'avait fait entièrement reconstruire au début du XVIIIe s, mais Stanislas demande à Héré de l'embellir.

Il construit kiosques et fabriques dans le parc. Au pied du château il aménage un pont de 22 m de long appelé le pont d'Eau, car de ses hautes colonnes ruissellent de l'eau en continue !

La nuit, des lumières dans des globes de verre éclairent le pont. Sur la pièce de Neptune, immense étendue d'eau, on pouvait voguer en gondole pour arriver au château d'eau, grand corps de logis dont une brume d'eau faisant office de rideaux aux fenêtres ! Quid des châteaux disparus : Chanteheux, Jolivet, La Malgrange ?

Tous les 3 ont été détruits à la mort de Stanislas. Jolis rêves éphémères aussi beaux que Commercy et Lunéville !

Chanteheux : Voltaire écrit que « le château de Chanteheux est sans contredit le salon le plus beau, le plus riche et le mieux orné qui soit en Europe, il est unique dans son genre. » (vu dans Le roi Stanislas d'Anne Muratori-Philip) Stanislas le fait construire pour faire le pendant au château de Lunéville, au bout du parc.

On avait le Trianon à Versailles ? Lunéville aura le sien, avec Chanteheux ! Héré s'occupe des travaux dès 1740.

Même Louis XV dira à son beau-père : « Mon père, il n'y a qu'un Chanteheux dans le monde ! » Stanislas ne passe jamais de nuit à Chanteheux, juste quelques heures pour dîner avec ses amis...

Jolivet : un domaine acquis quelques mois après Chanteheux. Stanislas y vient dormir, se retirer en petit comité.

C'est un petit château de campagne, confortable, décoré très simplement.

La Malgrange (à Jarville-la-Malgrange) : imaginez, comme à Lunéville, des décors fastueux, une galerie de marbre, des glaces et des lustres à foison... un salon vert avec des boiseries couvertes de pierres d'aventurine, le cabinet bleu avec ses colonnes en nacre et mosaïques...

L'impossible monsieur Bébé

Depuis longtemps, les rois ont des nains pour les amuser. Stanislas ne fait pas exception ! Stanislas avait écrit :

« Voilà les 3 jouets d'un roi cher aux Lorrains, Griffon son chien, son singe, avec Bébé son nain. »

Bébé s'appelle Nicolas Ferry. Il naît à Plaisnes dans l'actuel département du Bas-Rhin en 1741. Peu après sa naissance, il mesure à peine 9 pouces (20 cm) et pèse 12 onces (380 g) ! Un sabot rembourré lui sert de berceau : on n'avait jamais vu ça ! Tout le monde finit par en parler et Stanislas, très curieux, fait venir le petit Nicolas à Lunéville. Amusé, Stanislas demande à sa famille à ce qu'il reste. Son père accepte. Et voilà qu'à partir de 1752, Nicolas fait partie de la petite cour de Lunéville ! On a voulu lui apprendre à lire, mais rien à faire, ni la musique, ni la danse, ni rien d'ailleurs ne rentre dans sa caboche. Bébé (car c'est son nom maintenant) faisait juste la joie du château de Lunéville ! Il a maintenant atteint l'âge adulte. C'est un jeune homme qui mesure 26 pouces (66 cm) et pèse 70 livres et 3 onces (environ 32 kg). Quel sacré caractère ! Têtu comme pas deux, colérique, il a une petite maison à lui tout seul à sa taille, dans une des pièces du château : il va souvent bouder dedans et n'ouvre plus à personne ! Sans oublier la fois où un jour, un rival apparaît : Józef Boruwłaski, un nain surnommé Joujou. Encore plus petit que lui mais cultivé et intelligent comme pas deux ! Il accompagne la comtesse Humiecka, une amie de Stanislas. A Lunéville, Stanislas le prend sous son aile, au plus grand dam de Bébé. On rapporte une bagarre mémorable entre lui et Joujou ! Bébé avait voulu le griller vif dans la cheminée... Colérique, mais aussi très blagueur : Stanislas lui donne un petit carrosse attelé de 4 chèvres qu'il mène dans le parc du château. Là, une fois tout seul, il se cache en riant et ça fait paniquer Stanislas qui croit l'avoir perdu ! Il aime aussi se cacher sous les robes des dames... S'il vit bien à Lunéville sous le regard bienveillant de Stanislas, ailleurs, c'est autre chose : prenez le comte de Tressan, grand officier à la cour de Stanislas. Il a de ces paroles blessantes ! Il décrit Bébé comme laid, horriblement difforme, idiot,
« il est imbécile, colère, et le système de Descartes sur l'âme des bêtes serait plus facilement prouvé par l'existence de Bébé, que par celle d'un singe ou d'un barbet. J'avoue que je n'ai jamais vu Bébé qu'avec répugnance et une secrète horreur qu'inspire presque toujours l’avilissement de notre être... »


Mais bon, que voulez-vous... Bébé meurt un jour de mai 1764 à seulement 23 ans. Stanislas lui fait faire un tombeau dans l'église des Minimes en face du château de Lunéville. Son squelette est étudié puis placé à la Bibliothèque de Nancy puis envoyé au Muséum d'histoire naturelle de Paris. On a encore des souvenirs de lui, non ?

Tout à fait ! Son portrait se trouve au Musée lorrain ainsi que sa petite maison et son nécessaire à couverts faits de 5 fourchettes, un couteau, une pince à sucre.

On dit que le nécessaire a une cuillère cassée en deux par Bébé lui-même, un jour qu'il s'était fait gronder et qu'il était en rogne !En tout cas, Nicolas a connu une vie hors du commun à Lunéville !

Oui, d'ailleurs Diderot dit de lui dans son Encyclopédie :

« Il était l'aîné de plusieurs frères et sœurs aussi bien constitués que leurs parents. Il faisait donc tache sur la famille et, par un singulier destin, ce fut lui qui eut le plus de chances de la vie. »

A table !

On sait que la reine Marie Leszczynska était une sacrée gourmande. On lui doit d'ailleurs la recette des bouchées à la reine ! Je crois bien qu'elle tient ce côté gourmet de son père, non ?

Oui, Marie et Stanislas aiment les bonnes choses. Son père l'épicurien plus encore ! Savez-vous ce qu'on raconte ? Que sur la route de Châlons en allant voir sa fille à Versailles, Stanislas s'arrête dans une petite auberge et y concocte une soupe à l'oignon !

Il grille des tranches pain, les beurre et les met au four, fait frire les oignons bien dorés, ajoute de l'eau et laisse mijoter... Mais surtout, on lui doit le baba au rhum et les madeleines de Commercy, quand même ! Ah, oui, effectivement ! Il a la dent sucrée, comme on dit.

Oui, mais ça, on va le voir après, si vous le voulez bien. Parlons d'abord des repas en général ! Dans La cour de Lunéville au XVIIIe siècle de Gaston Maugras, on apprend que le repas à Lunéville ne dure qu'une heure. Stanislas adooore manger : il avance tous les jours l’heure des repas !

De La Galaizière lui dit un jour : « Pour peu que votre Majesté continue, elle finira par dîner la veille. »

Les frais de table montent à 20 000 livres pas mois. Une jolie somme... On a le premier maître-d'hôtel du roi, puis 3 maîtres-d'hôtel ordinaires, puis 5 chefs-cuisiniers, des rôtisseurs, des pâtissiers, des panetiers...

Stanislas met sur ses tables magnifiquement décorées des fontaines monumentales, des petits pavillons miniatures et des scènes de chasse ou de mythologie. Mais ce qu'il aime, lui, ce sont les desserts ! On le sait maintenant puisqu'on lui doit 2 douceurs, le baba et les madeleines... Ah, justement, quelques mots des desserts avec le spécialiste de l'époque...

Celui chargé de préparer les desserts de Stanislas s'appelle Joseph Gilliers. Il a le poste de « chef d'office de sa majesté le roi de Pologne » !

On lui doit Le Cannameliste français ou Nouvelle instruction pour ceux qui désirent d'apprendre l'office, rédigé en forme de dictionnaire. Un vrai traité de cuisine avant l'heure ! Autant dire que le monsieur ne rigole pas...

Ah ça non ! Il a les idées les plus folles pour présenter ses desserts. Il réalise des décors de rocaille, des grottes, des jardins avec fontaines et bassins, de petits personnages un peu partout, tout ça au milieu des fruits et des sucreries ! La grande nouveauté sur la table, ce sont les sorbets ?

Oui, Gilliers en parle longuement dans son Cannameliste. On appelle les sorbets à l'époque « fruits glacés » ou « fromages glacés ». Ces derniers sont faits à base d’œufs, de sucre et de crème mélangés à des fruits.

On leur donne la forme d'un fruit en les plaçant dans un moule adéquat et on les colore. On les place ensuite dans une « sarbotière » avec de la glace pilée.On a les « neiges » aussi. Voilà une recette de Gilliers piochée dans son Cannameliste : recette de neige de bergamote, pour rendre hommage au fruit de Nancy !

« Prenez 4 bergamotes, que vous râperez sur du sucre comme les citrons. Mettez votre râpure dans une terrine avec 2 pintes d'eau. Exprimez-y le jus de 12 citrons. Mettez-y du sucre clarifié à votre goût. Passez le tout par un tamis et mettez dans une sarbotière. »


Ah oui, comme ça, on a l'illusion d'un vrai fruit glacé ! Stanislas était fort, en ce qui concerne l'illusion à table ?

Oui ! Il transforme les plats, déguise les viandes, fait passer des dindes pour des coqs de bruyère, à la plus grande surprise des invités ! Un jour, alors qu'on sert le café, Stanislas fait apporter... stupeur générale : un gros jambon farci aux truffes ! En fait, c'est un gâteau à la crème et aux œufs en neige, le chocolat faisant office de truffes !

Mieux que ça, écoutez ça : le roi de Hongrie envoie chaque année à Stanislas un vin de Tokay, vin uniquement réservé aux grands d'Autriche invités à la table du roi. Un vin qui arrivait en tonneau solidement escorté ! Mais Stanislas, pas fou, se réservait le précieux nectar pour lui... Il reconstitue le tokay avec du vin de Bourgogne et d'autres ingrédients, pour ensuite l'offrir à ses invités, tout contents de déguster le très royal vin hongrois... qui n'en était pas !

Sans compter les apparitions surprises de Bébé : un jour, on apporte sur la table un gros pâté, d'où sort brusquement le nain habillé en guerrier ! Fou rire général... on ne s'ennuie pas, chez Stanislas ! (vu dans Dans La cour de Lunéville au XVIIIe siècle de Gaston Maugras)

Stanislas à Nancy

Parlons un peu de ses « bienfaits », ses fondations à Nancy.

Ses constructions, d'abord. Stanislas va relier la vieille ville médiévale avec la ville Neuve de Charles III. Il fait aménager pour cela des places, la place Royale (future place Stanislas), la place de la Carrière et la place de l'Alliance, ancienne place Saint-Stanislas.

Il fait construire la caserne Sainte-Catherine, aménager la Pépinière, une promenade plantée d'arbres, reconstruire l'église Notre-Dame-de-Bonsecours.

Il veut faire de Nancy la plus belle ville d'Europe ! Pour ça il détruit tous les vieux monuments : ce qui n'est pas du goût de tous les Nancéiens ! Le meilleur exemple reste Bonsecours.

On raconte qu'un vieux potier, dont les fenêtres donnaient sur la veille église, les fait murer, par dépit. Il était triste de ne plus voir le monument tel qu'il l'avait toujours connu ! Et ses fondations ?

Il crée les Missions Royales ; un orphelinat dans l'aile de l’hôpital Saint-Julien puis un hôpital des frères de Saint-Jean-de-Dieu ; il fonde un magasin de blés ; une Bourse ; de nombreuses écoles gratuites, notamment dans la porte Saint-Nicolas et la porte Saint-Georges !

Il crée une chaire de mathématiques, de philosophie et d'histoire ; une bibliothèque publique ; un collège royal de médecine et un collège de chirurgie ; il fonde la Société royale des lettres et arts... Stanislas s'est bien entouré : il a son armée d'artistes à ses ordres !

On a d'abord l'architecte Emmanuel Héré : né en 1705 à Nancy. Il devient jeune encore l'élève de Germain Boffrand, à qui on doit les constructions de Nancy sous le règne du duc précédent, Léopold, et la construction du château de Lunéville.

En 1725, à 20 ans, il devient commis des travaux de son Altesse royale mais sa carrière d'architecte commence vraiment avec Stanislas lorsqu'il débarque en Lorraine.

Emmanuel devient d'abord concierge du château de Lunéville puis son architecte : Stanislas lui donne la charge de « premier architecte du duché de Lorraine et inspecteur des bâtiments » ! Héré s'attaque à l’agrandissement du château de Lunéville et la construction de tous ses pavillons. Puis entre 1738 et 1741, il termine l'église de Bonsecours.

En 1739, le voilà sur le chantier du château de la Malgrange. Entre 1741 et 1743, il termine les bâtiments des Missions royales, construit l'hospice Saint-Julien pour loger les orphelins recueillis par Stanislas en 1747. Dès 1745, Emmanuel s'occupe aussi de l'embellissement du château de Commercy, deuxième résidence préférée de Stanislas après Lunéville. On l'oublie vite, non ?

Ah mais c'est qu'il a tout perdu ! Un investissement hasardeux qui le met complètement sur la paille... Il a voulu tout investir son argent dans une manufacture qui transformait les marrons d'Indes en amidon.

Le procédé ne prend pas, l'usine fait faillite... Emmanuel meurt à 57 ans, le 2 février 1763, dans l'oubli le plus total... Et nos autres artistes ?

Voilà le serrurier Jean Lamour : né en 1698, fils d'un serrurier de Nancy, il apprend son métier à Paris et rentre en Lorraine en 1724 dans l'atelier de son père. Jean devient le serrurier en titre de Stanislas. C'est un virtuose du fer forgé !

On a qu'à voir ses chefs-d’œuvre pour s'en rendre compte : la place Stanislas à Nancy, le château d'Haroué, le château de La Malgrange, l'escalier de l'hôtel-de-ville de Nancy et ses balcons, la rampe du château de Chanteheux, les grilles de la fontaine d’Amphitrite à Nancy, celles de l'église de Bonsecours...

Le sculpteur Barthélémy Guibal : né à Nîmes en 1699, il devient le premier sculpteur du duc Léopold puis vient au service de Stanislas. Il réalise toutes les statues de ses châteaux, des jardins de Lunéville, etc. En 1750, il collabore avec Héré pour les décors de la place Royale. On lui doit surtout la statue de Louis XV qui ornait cette place, aujourd'hui remplacée par la statue de Stanislas...

Le sculpteur Paul-Louis Cyfflé : né à Bruges en 1724, il entre dans l'atelier de Guibal à l'âge de 22 ans. On lui doit, vous savez quoi ? La fontaine de la place d'Alliance de Nancy ! Après la mort de Stanislas, il fonde une manufacture de « porcelaine en biscuit » à Lunéville, des statues faites à base de terre glaise lorraine.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !