Rambouillet au temps de Napoléon Ier : gondoles et cygnes belges
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Quand : 1804 - 1815
1804 : l'empereur débarque à Rambouillet
Le 4 novembre 1804, le futur Napoléon Ier découvre le château de Rambouillet. Dans un état de ruine avancée !
Normal : la Révolution française y a fait son œuvre, le château ayant été abandonné en 1789.
Bonaparte était en fait déjà venu, en 1802 : il avait découvert le parc et sa forêt voisine, dans laquelle il se serait bien vu chasser...
Bref, l’endroit lui avait plu ! Il veut y venir s’y reposer, en famille, transformer l’endroit en relais de chasse.
Il faut donc tout restaurer !
Pour commencer, l’extérieur du château !
La forme actuelle, biscornue, du château de Rambouillet, amputée de son aile gauche ? On la doit aux travaux de l’architecte de Napoléon, en 1804 !
Guillaume Trepsat, c’est son nom.
L’attentat à la bombe contre Bonaparte à Paris, en 1800, les a fait se rencontrer. Trepsat, blessé, a eu la jambe arrachée.
Bonaparte lui demande quelles ont été ses pensées, au moment de l’attentat. Trepsat répond qu’elles ont été pour lui, « pour le grand homme qui venait d'échapper au plus noir et au plus mal concerté de tous les complots » !
Flatté, Bonaparte... l’engage pour ses travaux à Rambouillet !
Trepsat lui dit qu’il faut tout détruire, le château étant trop croulant. Bonaparte ? Mhhh... pas vraiment d’accord.
Trepsat fait pourtant dynamiter l’aile Est, déséquilibrant tout l’ensemble.
Des intérieurs réaménagés pour l'empereur, restaurés en 2023
Il faut réaménager tout l’intérieur du château, maintenant.
Notamment créer les appartements de Joséphine, puis ceux de Napoléon.
Ce sont ces derniers qui ont été rénovés en 2023, remeublés par le Mobilier national.
On visite aujourd’hui les 3 pièces en enfilade les composant :
- L’antichambre sert à Napoléon à recevoir ses visiteurs et aussi à prendre ses déjeuners ;
- La chambre, où il travaille ;
- La salle-de-bains et son décor néoclassique, d’inspiration pompéienne, signé Claude Godard.
Rambouillet : l'antichambre, détail | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA
L'antichambre : Napoléon à table, des repas au lance-pierres !
L'antichambre sert de salle-à-manger à Napoléon.
Il passe très peu de temps à table : 1/4 d'heure, pas plus, le plus souvent sur un guéridon en acajou, seul, sans serviette ! Une vraie corvée...
- Son plat préféré ? Le poulet, cuisiné sous toutes ses formes, surtout rôti ou en fricassée (le célèbre « poulet à la Marengo ») ;
- le tout servi avec du chambertin coupé d'eau glacée, des glaces et du chocolat, un café pour finir ;
- comme accompagnement, il n’aime que les haricots en salade et les lentilles.
Il avale tout très vite, sans mâcher : une habitude prise lors de ses campagnes militaires !
Rambouillet : l'antichambre | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA
La chambre : les nuits et les réveils de l'empereur
Voilà comment la chambre du futur empereur est meublée, décorée, en 1805.
- Elle est « tendue de quinze-seize (tissu de soie, ndlr) bleu » ;
- la literie se compose « d'un sommier de futaine et crin, de matelas en futaine et mère-laine épurée à l'ébullition, d'un lit de plumes, d'un traversin et de quatre oreillers en duvet de Hollande superfin, couverts de basin. »
Comme meubles, on ne cite que
- un grand canapé en étoffe semblable à la tenture bleue ;
- deux tabourets, « l'un pour servir à la toilette de Sa Majesté, l'autre pour le moment où elle monte dans son lit » ;
- un « pied en acajou, composé de quatre pilastres surmontés de têtes de naïades en bronze doré, servant de monture à un lavabo en porcelaine. »
Rambouillet : la chambre | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA
La salle-de-bains : un riche décor néoclassique
La salle-de-bains, avec son superbe décor pompéien, comprend à l'époque de l'emménagement de Napoléon :
- une « baignoire en cuivre étamé, un canapé, un grand fauteuil, quatre chaises, un tabouret de pied en acajou tendu de toile blanche, une commode de même bois à bronzes dorés et un tabouret de baignoire, garni en plomb, couvert également de toile blanche » ;
- on y voit aussi un « seau pour bain de pieds, un seau en tôle vernie, couleur amarante, imitant la cuve antique, avec faux anneaux dorés. »
Napoléon prend des bains très chauds, prolongés. Il s'y fait lire les journaux et son courrier, tout en buvant une tasse de thé ou une infusion d'oranger sucrées.
Un bain en se levant vers 7 heures, l'autre vers 4 heures du matin, avant de se coucher.
Rambouillet : la salle-de-bains | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA
Une chapelle pour Marie-Louise d'Autriche
Ne pas oublier la chapelle du château, qui a vu passer le couple impérial !
En 1810, après son divorce avec Joséphine, Napoléon fait supprimer ses initiales des décors de la demeure, car il compte y amener sa nouvelle épouse, Marie-Louise d'Autriche. Qui ne voudrait pas trouver quoi que ce soit qui rappelle l’ex-épouse...
Ainsi, pour Marie-Louise, il fait « arranger la chapelle » du château, petit oratoire auquel on ajoute « 8 pilastres en bois de chêne », le plafond peint « au blanc de roi » et les abeilles peintes dans les caissons.
Un décor aujourd'hui disparu, remplacé par l’actuel, par ceux qui succèdent à Napoléon Ier, les Bourbons.
Rambouillet : la chapelle | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA
Fin 1805 : Napoléon veut emménager, mais tout reste à faire !
Alors que les travaux ne sont pas achevés, Napoléon compte bien emménager au plus vite.
On est fin mars 1805, il faut donc meubler un château entièrement vide, au plus vite.
Les artisans fournissent entre autres :
- « 76 lits de sangle, 20 tables de chêne à pieds ornées de moulures, une table de 20 couverts avec ses 8 allonges » ;
- « 115 chaises à dossier découpé », « 30 tabourets à double X en noyer doré et couverts de velours d'Utrecht jaune » ;
- « 120 vases de nuit, dont 40 en faïence de Sceaux, 40 en faïence de Rouen, plus une carafe à eau, en cristal, marquée d'un N couronné. »
Le 26 avril, l'inspecteur du mobilier impérial note l'arrivée de « 427 colis pesant 8 982 kilos »... suivi d'un autre de 22 853 kg !
Le mobilier vient alors de Trianon à Versailles, du palais de Saint-Cloud, du pavillon du Butard voisin de Versailles.
Rambouillet : la salle-de-bains, détail | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA
Quid du parc du château ? Cygnes belges et gondoles !
On plante dans le parc 40 000 chênes, hêtres, platanes et sapins.
Dès 1806, les canaux sont nettoyés et rénovés par 300 ouvriers (notamment des prisonniers prussiens).
On y trouve des gondoles vénitiennes « richement drapées », peintes en bleu et blanc, avec rameurs portant culottes de drap vert et vestes écarlate, prêts à promener l’empereur et ses proches.
On fait même venir de Laeken (Belgique) 60 cygnes, qui voyagent jusqu’à Rambouillet dans des paniers.
Jeux de bagues et balançoires sont également ajoutés.
Rambouillet : la salle-de-bains, détail | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA
Une journée impériale type à Rambouillet
Mais oui : comment occupe-t-on ses journées à Rambouillet, sous l’empereur ?
Un exemple : en 1807, pendant 9 jours, 44 altesses séjournent au château.
- Déjeuner à 11 heures ;
- chasse au loup l'après-midi, retour tard dans la soirée. L'empereur lance alors : « Mesdames, je vous laisse un quart d'heure pour faire votre toilette : ceux qui ne seront pas prêts mangeront avec les chats » ;
- le dîner dure un quart d'heure, puis place au jeu, avec le whist ou le reversi. Napoléon, fatigué, va se coucher : les invités restent discuter avec l'impératrice jusqu'à 2 heures du matin.
Mais quand il ne reçoit pas, l’empereur travaille d’arrache-pied, avec généraux et ministres !
Quelqu’un avait dit un jour :
« Croyez-vous que l'Empereur ne soit à Rambouillet que pour ses plaisirs ; s'il n'arrive pas de bonne heure à la chasse, c'est qu'il sort tard de son Conseil. »
Rambouillet : la chambre, détail | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA
La cour impériale s'efface
Au total, entre 1805 et 1812, Napoléon passe 60 jours au château de Rambouillet.
Et puis arrive 1814 ! L'année de la fin, pour Napoléon.
Marie-Louise d’Autriche, inquiète, son fils de 3 ans sous le bras, flanqué de sa fidèle gouvernante Maman Quiou, débarquent affolés dans un château de Rambouillet qu'ils ont dû quitter voilà plus de 2 ans.
Ils ont laissé Paris derrière eux, menacée de siège par les armées coalisées. L’impératrice doit vite partir. Ce sera l’exil en Autriche pour elle, l’exil sur l’île d’Elbe pour l’empereur.
Napoléon reviendra passer une ultime nuit au château de Rambouillet, le 29 juillet 1815, avant l’exil définitif à Sainte-Hélène.
Sources
- G. Lenôtre. Le château de Rambouillet : six siècles d'histoire. 1930.
- Félix Lorin. Napoléon Ier à Rambouillet. 1897.
- Pierre de Janti. Forêt, chasses et château de Rambouillet. 1947.
- Joseph Calmette. Napoléon Ier. 1952.
- Augustin Cabanès. Dans l'intimité de l'empereur. 1924.