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Petites histoires de fêtes de fin d'année

Crèche provençale, Carpentras | Marianne Casamance / CC-BY-SA

Ca y est ! La nuit tombe plus vite, le froid s'installe, peut-être même la neige ! Les fêtes approchent à grand pas... Cette année, vous avez le choix ! Chaleur toute flamande dans le Nord, douceur du sud en Provence ou traditions en Alsace ?

SOMMAIRE

1 - Noël, c'est quoi ? 2 - Vous voulez passer les fêtes de fin d'années... en Provence ? 3 - Vous voulez passer les fêtes de fin d'années... en Alsace-Lorraine ?

Noël, c'est quoi ?

Une date à définir !

La fête de Noël est très ancienne. Au début, les premiers chrétiens n'accordent d'importance qu'à la fête de Pâques, qui célèbre la Résurrection. Pas question d'entendre parler d'autre chose !

En attendant, quand on commence à se poser la question de la date exacte de la naissance de Jésus... problème ! Il n'y a que les textes de Luc qui en parlent, et encore, ça reste bien flou.

C'est pourquoi au IVe s, l'évêque de Jérusalem Cyrille, demande au pape Jules Ier d'enquêter sur la véritable date de sa naissance : tout le monde finit par tomber d'accord sur le 25 décembre. Mais beaucoup ont contesté cette date, car on ne trouve aucune preuve dans les textes sacrés !

On reste pourtant sur la date du 25 décembre, censée correspondre à une ancienne fête païenne, le Sol Invictus, qui célébrait les jours qui commençaient à rallonger... le solstice d'hiver !

Et voilà Noël qui devient une célébration, un moment de joie partagée. D'ailleurs, c'est l'évêque Télesphore qui établit au milieu du IIe s la pratique des messes de minuit. Ensuite, Saint Grégoire le Grand permet aux prêtres de dire trois messes le jour de Noël, au VIe s.

Pourquoi trois messes ? Elles correspondent à la messe de Minuit, la messe de l'Aurore, la messe du Jour (de Noël). A Rome, le Pape venait dire ses messes dans trois églises différentes ! Et vous savez quoi ? C'est encore Alphonse Daudet qui en parle le mieux, dans sa nouvelle Les Trois Messes Basses, parues dans les Lettres de mon Moulin !

Une fête synonyme de joie

Bref... L'historien Sainte-Palaye dit : « Au XIIIe s, on donnait à ses amis pour les fêtes de Noël des gâteaux appelés « nieules » et un poulet rôti. On chantait des cantiques, appelés noëls. » Oui ! On chantait, on se réchauffait autour de la bûche de Noël tout en faisant un repas en famille, avec le partage du pain de calandre...

Noël, synonyme de joie ! Mais oui... D'ailleurs, quand les rois apparaissaient dans les villes, ou dans toutes autres célébrations, les gens se mettaient à crier « Noël ! Noël ! ». Par exemple, quand le roi Charles VII entre dans Paris en 1437, un texte rapporte : « Le peuple dans les rues criait à haute voix tant qu'il pouvait « Noël », pour la joyeuse venue de leur roi et seigneur et de son fils le dauphin... ».

Les traditions : à table !

Tout un cortège de traditions se met alors en place. Commençons par le repas ! La dinde, tiens... Saviez-vous que la toute première dinde servie le jour de Noël l'a été à la cour de l'empereur du Saint-Empire germanique Charles VII, au XVIIIe s ?

Avant la découverte des Amériques en 1492, on préfère de loin sa cousine, moins exotique, l'oie : Talleyrand, pour Noël, fait toujours une oie bien grasse, arrosée de Sauternes, lardée de jambon, piquée d'oignons, d'ail, d'herbes aromatiques...

On mange bien, le soir de Noël : le fameux réveillon, le voilà ! Un réveillon qui tient son nom du fait qu'avant la messe de minuit, qui durait parfois des heures, on était fatigué, on avait fait qu'un « souper maigre » (maigre, car pas de viande). Après venait enfin l'heure du « souper gras », le réveillon !

Mme de Sévigné, elle, reçoit à son hôtel de Carnavalet dans le quartier du Marais à Paris un soir de Noël 1677 : on compte 8 services différents, avec soupes, entrées, deux plats de rôtis, gibiers, poissons (carpe, saumon, truite, écrevisse et tortue), légumes et pleins de desserts comme amandes, confitures, massepains et dragées. Bien sûr, du bon vin accompagne tout ça !

Dans le même genre, le dîner de réveillon chez la duchesse de Berry, en 1823 : plusieurs potages, des « relevés », des flans, une douzaine d'entrées, plusieurs plats, une dizaine d'entremets et pas moins de 40 assiettes de desserts, de fruits, de compotes et autres douceurs...

On compte des quenelles de volaille, du turbot aux homards, une noix de veau aux truffes, du faisan et des gelinottes, de la tête de veau, mais aussi des choux-fleurs bretons, des œufs pochés et autres purée de champignons... Bon appétit !

Les traditions : les symboles

Et le sapin ? LE symbole de ces fêtes de fin d'année, quand même ! La plus ancienne mention de sapin de Noël en France date de 1605 : c'est dans la ville de Strasbourg qu'on le trouve ! Un document de l'époque en fait foi : « Pour Noël, il est d'usage à Strasbourg, d'élever des sapins dans les maisons. On y attache des roses en papier de diverses couleurs, des pommes, des hosties coloriées, du sucre. »

La bûche de Noël n'est pas en reste. Mais à l'origine, ce n'est pas un gâteau ! Mais bel et bien un vrai morceau de bois que l'on mettait à flamber en attendant la messe de minuit... Autrefois, cette bûche s’appelait « tréfeu » ou « tréfouet » : tréfeu, qui veut dire « trois feux », parce qu'elle devait durer trois jours entiers !

Cette bûche devait être la plus grosse possible, une grosse souche qu'on appelait « coque ». Et bien, on retrouve cette tradition dans le Nord de la France avec la coquille, qui se déguste le 25. Lait, beurre, sucre, œuf... un bon gâteau nourrissant en forme de bûche ! En Provence, on chante la chanson suivante en allumant la fameuse bûche : Cacho fio Bouto fio Diou nous allegre (« Cache le feu Allume le feu Dieu nous comble d'allégresse »)


Vous voulez passer Noël... en Provence ?

Beaucoup de traditions encore vivantes sur la terre provençale, à découvrir au moment des fêtes et plus particulièrement de la messe de minuit !

Le pastrage : Kézaco ? C'est l'offrande de l'agneau à l'enfant Jésus. Une longue procession de bergers, accompagnés de leurs troupeaux, descendent de la montagne avec l'agneau installé dans une petite charrette, tirée par un bélier.

Le pastrage se déroule un peu partout après la messe de minuit (à Avignon, Séguret, Allauch), mais on retiendra celui des Baux-de-Provence, à l'église Saint-Vincent. D'ailleurs, c'est l'étoile de la Nativité, qui a guidé les rois mages à Bethléem, que l'on retrouve sur le blason des seigneurs de Baux, et ce depuis le XIIIe s !

Crèches et santons provençaux : toute une histoire !

Les premières crèches viennent d’Italie et se sont ensuite implantées dans le sud de la France, particulièrement à Marseille. Marchetti, dans son Explication des usages et coutumes des Marseillais (1683), attribue l'invention des crèches à saint François d'Assise : « … saint François représenta le plus au naturel qu'il put la Nativité de notre Seigneur.

Il fit choix d'une longue et chétive étable, que la longueur et l'injure du temps avaient tellement ruinée qu'elle n'avait plus que la moitié du couvert. Les ornements que sa piété lui donna consistaient en un ingénieux mélange qu'il fit de papier, de mousse, de paille... quantité de cierges et de lampes éclairaient ce lieu. »

Effectivement, Saint François d'Assise avait eu l'idée de représenter des scènes de la Nativité dans une chapelle des Abruzzes : c'est donc une crèche, mais une crèche vivante ! L'Eglise n'est pas tellement d'accord avec ce genre de pratique.

Il faudra attendre le milieu du XVIe s pour que toutes les églises adoptent une crèche. Mais en France, alors ? Et bien, les crèches apparaissent avec l'implantation de moines de saint François dans la région provençale. Au XIIIe s, les pères de l'Oratoire ont une crèche, déjà, dans leur église des Acoules, à Marseille. 100 ans plus tard, elles se multiplient dans les couvents de l'ordre de Saint François. La tradition est particulièrement vivante en Provence !

D'ailleurs, c'est un moine capucin italien, installé à Marseille, qui a l'idée au tout début du XVIIIe s de sculpter dans du bois de petits personnages portant les habits de l'époque : les « santoni » ! Une façon pour les gens de reconstituer une crèche modèle réduite chez eux... Tout le long du XVIIIe s et au XIXe s, on perfectionne le santon, réalisé avec de l'argile grise pour les villes d'Aix, d'Aubagne et de Marseille. Les santoni italiens sont devenus santouns (petits saints) en Provence !

Parmi les figures religieuses de Joseph, Marie et Jésus, on trouve des personnages typiques de Provence, comme le ravi (l'étonné), le joueur de tambourin, le tambourinaïre, le rémouleur, l' amoulaïre...On a donc des crèches miniatures, des crèches vivantes, mais aussi des crèches mécaniques et parlantes ! La première d'entre elles voit le jour vers 1775, à Marseille.

C'est un certain monsieur Laurent qui les réalise, installé alors près de la rue du Panier : on adore les automates, au XVIIIe s ! Alors, le sieur Laurent ne se prive pas, il met en scène des rennes, des girafes, des hippopotames et chose curieuse, le Pape qui vient bénir Jésus ! Encore plus bizarre, une crèche du XIXe s montrait les rois mages descendant d'un train à la gare de Marseille !

Traditions de Noël en Provence : à table !

Avant la messe de minuit, on fait le « gros souper », lou gros soupar. Ne pas se fier à son nom, c'est en fait un repas maigre ! Les viandes grasses sont interdites. Le poisson est donc un plat de choix, comme la morue fraîche et salée. Mais ce qui fait la particularité de ce repas, ce sont les desserts, les calenos en provençal : on en compte 13 !

Il peut se composer de nougats, de noix, d'amandes, de dattes, de pâtes de fruits, de calissons, de différents fruits (poires, melons de Noël, coings, figues) et bien sûr, la poumpo ou « pompe à huile », la célèbre fougasse ! Un bon vin accompagne le repas, et surtout le barralet, tonneau contenant du vin cuit. La tradition veut que trois bougies éclairent la table, sur laquelle on a disposé trois nappes, et que dans la cheminée flambe la bûche de Noël.

Trois, pour symboliser la sainte Trinité ! Dans le comtat Venaissin, on a un pain ou gâteau appelé « pan calendau », qu'on dispose sur la table de Noël mais qu'on ne doit manger que le premier jour de janvier ! A Marseille, le gros souper se compose d'anguilles, de raïto (sauce à base de tomate qui se déguste avec le poisson), de légumes variés.

Mais laissons le dernier mot au grand Frédéric Mistral, qui écrit :

« Sur la triple nappe blanche, tour à tour apparaissaient les plats sacramentels : les escargots, qu'avec un long clou chacun tirait de la coquille ; la morue frite et le muge aux olives, le cardon, le scolyme, le céleri à la poivrade, suivi d'un tas de friandises réservées pour ce jour-là, comme : fouaces à l'huile, raisins secs, nougat d'amandes, pommes de paradis ; puis, au-dessus de tout, le pain calendal, que l'on entamait jamais qu'après en avoir donné, religieusement, un quart au premier pauvre qui passait. »


Vous voulez passer Noël... en Alsace-Lorraine ?

Fêtez la Saint-Nicolas !

La Saint-Nicolas, on la fête le 6 décembre au Pays-bas, en Belgique, au Luxembourg et en France, spécialement en Alsace et en Lorraine. Mais alors, qui est saint Nicolas ?

Au IVe s, c'est l'évêque de Myre et le thaumaturge le plus connu au Moyen-Age. On trouve dès le XIe s une église dédiée à ce saint, accompagnée de son pèlerinage. En 1477, il devient le patron des Lorrains.

Mais on le connaît surtout grâce à une légende : trois jeunes clercs s'en allant aux champs se font kidnappés par un boucher, étripés puis mis dans un saloir. Saint Nicolas passant par là, demande au boucher s'il peut dîner et coucher une nuit chez lui.

Ah, non ! Ce dernier lui répond d'un ton sec qu'il n'a rien à lui offrir ! Nicolas répond alors : « Donne-moi de mes trois clériaux, que t'as découpés en morceaux, que t'as salés dans un cuveau... »

Le boucher prend la poudre d'escampette et notre Nicolas, à peine a-t-il effleuré la cuve, que les trois jeunes garçons ressuscitent ! Depuis, le voilà aussi patron des écoliers...

Cette légende daterait du XIIe s : mais en fait d'enfants ou de clercs, la tradition (et les images) montraient saint Nicolas entrain de sauver trois officiers romains condamnés par le gouverneur et enfermés dans une tour.

Allez savoir pourquoi, les proportions de ces images n'étaient pas respectées... ce qui faisait que les officiers enfermés étaient beaucoup plus grands que la minuscule tour, et saint Nicolas apparaissait plus grand que tout le monde ! Quand le culte du saint se répandit en Europe, les gens, qui ne connaissaient rien à la tradition de saint Nicolas, prirent la tour pour un baquet et les Romains pour des enfants !

Vous voulez rencontrer saint Nicolas ? Pas de problème ! Rendez-vous dans son fief, la ville lorraine de Saint-Nicolas-de-Port ! C'est dans la basilique gothique qu'est conservée une relique du saint, d'ailleurs, rapportée au XIe s ! Tous les ans, au moment des fêtes, la légende prend vie : feux d'artifice, défilé, marché de Noël, bien sûr...

Ne manquez pas la grande procession aux flambeaux dans la belle basilique ! Et vous savez quoi ? C'est une tradition séculaire ! Mais oui, c'est même un certain chevalier lorrain, Cunon de Réchicourt, qui en est l'instigateur. Alors, que s'est-il passé ? Cunon, parti en croisade, est fait prisonnier en Palestine. Il reste longtemps, longtemps dans son « étroite prison »...

Un jour, après avoir prié saint Nicolas plus fortement que jamais, le voilà qui s'endort... peu après, il se retrouve en un clin d’œil... transporté hors de sa prison devant l'église de Saint-Nicolas-de-Port ! Les cloches qui sonnent le réveille. Le voilà debout, en plein milieu de la messe ! Et les fers qu'il porte aux mains et aux pieds tombent d'eux-mêmes. Cunon ordonne qu'une procession se fasse tous les ans dans l'église, le jour de la Saint-Nicolas ! On conservait ses chaînes dans la basilique, jusqu'en 1789...

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !