Petite histoire du château de Collioure en 7 dates et anecdotes

1 - 673 : un fort antique

Collioure s'est très vite dotée d'une forteresse, dans son histoire.

Cela tient à sa position particulière, au fond d’une anse : l’un des rares mouillages de la côte du Roussillon, rapporte l’encyclopédie Châteaux Passion des éditions Atlas !

Déjà en 673, quand le roi wisigoth Wamba s’empare de la cité, on trouve un fort de l’époque romaine : il s’agit de l’antique Castrum Caucoliberis.

Le nom de celui-ci vient de l’ibère Kouk Illi Berri, soit le « port d’Illi Berri. »

Illi Berri étant l’ancien nom de l’actuelle commune d’Elne, non loin de Collioure !

Le château : bastion nord-est | ©Enfo / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

2 - 1276-1343 : le château des rois de Majorque

Un grand royaume

Voilà le temps, dans l’histoire du château, de l’éphémère royaume de Majorque (1276-1343), fondé par Jacques Ier d’Aragon, dans le cadre de la Reconquista.

Un royaume composé des terres d’Aragon, vous allez voir.

• A son fils aîné Pierre III, Jacques Ier lègue Valence ;
• à son cadet, Jacques II : les Baléares, le Roussillon, la Cerdagne avec Perpignan, Collioure et Montpellier, le tout formant le royaume de Majorque.

Mais tout ça, c’est avant la reconquête par l’Aragon, en 1344 !

Le siège final

Le cousin de Jacques II, Pierre IV d’Aragon, s’empare du Roussillon en mai 1344. Il attaque Collioure le 13 juin suivant.

Le 26 juin, la garnison du château capitule, malgré une résistance acharnée. Pierre IV y entre en triomphe.

C’est la fin du royaume de Majorque.

La fin du château de Collioure, qui a été, à cette époque, la plus importante place du Roussillon, après Perpignan !

Les rois et Collioure

Les rois ont embelli, aimé, protégé et favorisé Collioure et son château, en faisant de celui-ci leur résidence d’été :

• la forteresse est alors un quadrilatère bâti autour d’une cour fermée ;
• au nord, la chapelle ;
• au sud, un bâtiment à deux étages abritant la grande salle ;
• à son extrémité la tour maîtresse carrée.

Le château | ©Patrick S. / Flickr / CC-BY

3 - 1415 : le séjour de l'antipape Benoît XIII

Le refuge de l'antipape

Saviez-vous que le château sert de refuge à l’antipape Benoît XIII, en 1415 ?

De son vrai nom Pedro Martinez de Luna, il est chassé d’Avignon, on va voir pourquoi. Il s’installe à Perpignan, puis à Collioure.

Il s’y embarque pour rejoindre l’Espagne en 1415, où un concile le désavoue et l'exile à Peñiscola jusqu'à la fin de ses jours, en 1423.

Rome, puis Avignon

Alors… C’est l’époque du grand schisme d’Occident : du grabuge dans la chrétienté, entre 1378 et 1417 !

A la base, les papes sont à Rome. Mais comme à Rome, en 1305, on se déchire entre familles rivales, le nouveau pape Clément V s’installe en France, à Avignon.

Se succèdent 6 papes : mais le nouvel élu, en 1378, Urbain VI, refuse de s’installer à Avignon !

Deux papes et une Europe divisée

Alors, on élit un nouveau pape, un Français, Clément VII. On a donc 2 papes : un à Avignon et un à Rome !

Du coup, je ne vous raconte pas le bazar en Europe, l’histoire divise tout le monde :

• l’Empire germanique et l’Angleterre préfèrent Rome ;
• France et Espagne soutiennent Avignon.

Clément VII meurt en 1394, hop : on élit Pedro (Benoît XIII).

Un troisième pape !

En 1409, à Benoît XIII (l'Avignonnais) et Grégoire XII (le pape romain élu entre temps), on ajoute un 3e pape : Alexandre V.

Les deux premiers papes refusent cette mascarade !

Alors, les 3 sont déposés et remplacés par un unique souverain pontife : Martin V.

Retour au calme et fin du schisme !

Pedro, lui, clamera jusqu'au bout sa légitimité.

Le château | ©Jorge Franganillo / Flickr / CC-BY

4 - 1581 : le panier garni de l'infante d'Espagne Marie d'Autriche

Brièvement occupé par Louis XI, le château de Collioure finit par passer sous domination des Habsbourg d’Espagne, avec Charles Quint.

Au château débarque le 12 décembre 1581 la princesse Marie, fille de cet empereur, veuve de Maximilien d’Autriche.

Le 19, les consuls de Perpignan lui envoient le « présent d’étiquette » composé de :

• 4 agneaux, 2 veaux, 18 chevreaux, 3 moutons, 50 paires de chapons, 100 perdrix et lapins ;
• une charge (120 litres) de vin muscat, une charge de clairet vieux, une collaresa de vin hypocras et une charge de vin miellé ;
• une caisse d’oublies (gaufres) ;
• deux caisses d’amandes sucrées, de citrons confits, un pot plein de miel, des torrons pignonadés (nougats), des massepains ;
• une charge de pain « très délicatement pétri » ;
• 12 torches et une caisse de bougies de cire blanche…

Le 22, la princesse quitte Collioure, pour se rendre à Perpignan dans sa litière.

Marie d'Autriche | ©Rijksmuseum / CC0

5 - 1642 : le siège de la soif

1642 ! C’est la reconquête du Roussillon, avec Louis XIII. La forteresse de Collioure est réputée imprenable.

Pourtant, en 5 jours, les Français en viennent à bout !

Les Espagnols sont retranchés dans le château.

Pendant 5 jours, les Français les bombardent, sans que les murs ne cèdent. On est obligé d’y aller à la mine !

On réussit à détruire la citerne qui fournissait les assiégés en eau potable.

A cours d’eau, on doit se rendre le 10 avril 1642...

Le château | ©Stanislav Doronenko / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

6 - 1659 : un collègue de Vauban

Après le rattachement du Roussillon à la France, en 1659, l’ingénieur Saint-Hilaire est chargé de réaménager la forteresse.

Ce collègue de Vauban transforme la place :

• les vestiges de la vielle ville sont détruits ;
• on les remplace par une grande demi lune protégée par un glacis.

Le château | ©Stanislav Doronenko / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

7 - 1939 : le terrible camp de prisonniers espagnols

En 1939, fuyant l’avancée des troupes franquistes, des républicains espagnols sont parqués dans des camps du Sud de la France, comme ici au château de Collioure.

C’est la Retirada, la retraite, pour des milliers d’Espagnols, femmes, enfants, vieillards.

Au fort de Collioure, on enferme les gens « politiquement dangereux », des extrémistes.

Le camp du château de Collioure devient l’un des centres de détention les plus durs pour les Espagnols en France !

On les traite comme de vulgaires criminels, ils doivent subir des travaux forcés et endurer des conditions d’hygiène et de malnutrition extrêmes, enfermés dans des cellules insalubres, dans les souterrains de la forteresse.

Plusieurs morts d’hommes dans l’enceinte du château, n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation, font scandale.

Après un procès, le centre de Collioure ferme en juillet 1939.

Quelques mois d’existence avait suffi pour causer la mort d’une centaine d’hommes. Il restera 348 prisonniers, dispatchés entre Ariège et Afrique du Nord.

Sources

• Dominique Henry. Le Guide en Roussillon. 1842.
• Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas, 2001.
• Ministère des travaux publics. Ports maritimes de la France (tome 7). 1894.
• Evelyn Mesquida. La Nueve, 24 août 1944 : ces républicains espagnols qui ont libéré Paris. Le Cherche-Midi, 2011.