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Une petite histoire du couvent d'Unterlinden : les secrets du retable d’Issenheim

Quand : 1512 - 1516

Le couvent | Sanseiya / CC-BY-SA
Couvent Ancien couvent d'Unterlinden

Allons à la découverte du retable d'Issenheim, exposé depuis 1852 dans la chapelle de l'ancien couvent d'Unterlinden, dans le musée éponyme !

Petite histoire du retable

D'Issenheim à Colmar

Le retable vient du couvent des Antonins d’Issenheim, dans le Haut-Rhin : l’abbé Guido Gersi le commande au peintre Mathias Grünewald en 1512, pour le mettre dans l’église dudit couvent.

Transféré en 1793 à Colmar dans l’ancien collège des Jésuites, il se retrouve en 1853 au couvent d’Unterlinden.

Petit passage par l’Allemagne en 1917 pour restauration (l’Alsace est alors allemande), puis retour en France en 1919 !

Les « retables transformation »

Achevé en 1516, le retable d’Issenheim se compose de panneaux peints qui s’ouvrent ou se ferment selon les périodes de l’année.

Les Pays du Nord appellent très justement ces triptyques Wandelaltar, « retables transformation » !

Pendant les jours ordinaires, les volets sont fermés, laissant voir la Crucifixion encadrée de saint Sébastien et saint Antoine, l’un protecteur de la peste, l’autre de l’ergotisme.

Zoom sur le retable

Saint Antoine et le mal des Ardents

Le retable ouvert est dédié à saint Antoine : au centre, le saint sur son trône et à ses côtés le cochon, symbole des Antonistes.

De chaque côté, saints Augustin et Jérôme, avec le commanditaire Guido Gersi agenouillé près d’Augustin.

L’ordre des Antonins, fondé en 1092 dans le Dauphiné, a pour but de soigner les malades victimes du mal des ardents (ou feu de saint Antoine).

Aujourd’hui, on connaît la maladie sous le nom d’empoisonnement à l’ergot de seigle : un champignon attaquant les céréales et causant convulsions, hallucinations et atteintes dermatologiques.

Les Antonistes, par le biais de saint Antoine, apportent soins et réconfort aux malades.

Ainsi, contempler le retable pouvait quasiment soigner le malade ou en tout cas l’apaiser un moment...

Mais pourquoi saint Antoine ? Il a vécu en ermite au 3e siècle en Égypte : le diable lui faisait subir d’insupportables sensations de brûlures !

La Crucifixion

La Crucifixion | ©Wikimedia Commons / Public domain

La Crucifixion

La scène ressemble à une vision de cauchemar…

Regardez : le Christ aux sourcils froncés, bouche entrouverte montrant les dents, le corps couvert de plaies, les pieds tordus aux ongles noirs déjà pourris, les mains griffant l’air… horrible !

Les plaies sont un clin d’œil au mal des ardents, bien sûr. Ce Christ devait terrifier les malades, mais aussi leur rappeler qu’il a souffert pour les hommes...

Avez-vous remarqué ? Jésus parait bien plus grand que les autres personnages.

Marie-Madeleine se tord littéralement les doigts.

Marie, soutenue par un Jean au visage effrayant, n’est que douleur et larmes, toute fragile dans son suaire blanc : on dirait qu’elle est déjà morte...

La Nativité

La Nativité | ©Gzen92 / CC-BY-SA

La Nativité

Ici, les détails de la vie quotidienne foisonnent : le baquet, le vase de nuit, le berceau...

Des objets qui insistent sur la dimension humaine de la vie de Marie.

Notez aussi la présence du figuier et du rosier, symbole du lait maternel et de la femme sans péché.

Le Concert des Anges

Avez-vous remarqué cette petite Vierge en prière toute nimbée, ses cheveux dénoués, une couronne de flammes rouges sur la tête ?

Mystérieuse figure ! Peut-être représente-t-elle la Vierge divine, en opposition avec la Vierge terrestre ?

Ou la Vierge, enceinte, avant la naissance de Jésus ?

La tentation de saint Antoine

La tentation de saint Antoine | ©Wikimedia Commons / Public domain

La tentation de saint Antoine

Une autre scène terrible, terrifiante. Mais si moderne, colorée, bestiale ! Un petit air de Bosch ? Oui.

Au milieu de tous ces démons et ces monstres, mais... il y en a un d’humain !

Oh là, et quel humain : défiguré par la maladie, le corps ravagé par les pustules et les plaies... il souffre du mal des ardents.

Et ce pauvre Antoine qui se débat au milieu de ces monstres, levant les yeux au ciel pour implorer de l’aide...

Saint Antoine et l'ermite Paul

Dans la visite d’Antoine à saint Paul l’ermite, remarquez le dattier typiquement méditerranéen qui côtoie (et c’est bizarre)... le pin des forêts vosgiennes.

Un loup conduit Antoine jusqu’à l’ermitage de saint Paul : un Paul qui, d’après le blason à ses pieds, n’est autre que le donateur du retable, Guido Guersi.

Avez-vous vu le corbeau, en haut ? L’oiseau apporte au saint sa maigre pitance quotidienne.

La visite de Saint Antoine à Paul

La visite de Saint Antoine à Paul | ©Wikimedia Commons / Public domain

La Résurrection

Ici, quel choc de couleurs !

Le contraste apparaît clairement entre les soldats terrassés aux lourdes armures et le Christ qui s’envole littéralement, léger, dans un halo coloré et irisé.

Source

  • Le Mois littéraire et pittoresque. Janvier 1904.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !