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La maison d'éducation de jeunes filles d'Écouen, la création de Madame Campan

Quand : 1807 - 1962

Mme Campan | Public domain
Château Napoléon Ier Château d'Écouen

Éduquer les jeunes filles

Jusqu’à la Révolution, abbayes et couvents se chargeaient de l’éducation des jeunes filles.

Celles nées nobles, mais pauvres, entraient à la maison de Saint-Cyr, créée par Mme de Maintenon, en 1685.

Mais la Révolution ferme tous les couvents. Plus d’instruction féminine ! Le besoin se fait vite sentir.

Le 15 décembre 1805, Napoléon signe un décret fondant des maisons d’éducation, pour les filles des membres de la Légion d’honneur.

Le 10 juillet 1806, un nouveau décret impérial établit la première maison à Écouen.

La directrice ? Ce sera Mme Campan, avec le titre de surintendante. Qui n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’elle crée, en 1794, une école réputée, pour jeunes filles nobles !

Légion d'honneur (1951)

Légion d'honneur (1951) | ©Paris Musées - Musée de la Libération de Paris / CC0

Madame Campan, au service de sa majesté

Née Jeanne Henriette Genet, il s’agit de l’ancienne lectrice de Mesdames, comme on les appelle : les filles de Louis XV.

Mais on la connaît surtout comme la première femme de chambre de Marie-Antoinette, amie et confidente aussi, qu’elle suivra jusqu’aux Tuileries mais ne pourra accompagner à sa prison du Temple.

Ses célèbres Mémoires témoignent ainsi de la vie intime de la cour à Versailles, sous Louis XVI.

La Révolution lui prend tout, elle vivote comme elle peut...

Mme Campan (J. Boze)

Mme Campan (J. Boze) | ©Anna Danielsson - Nationalmuseum / CC-BY

La première maison d’éducation de Mme Campan

La tempête passée, elle a l’idée d’ouvrir une maison d’éducation pour jeunes filles. Où celles-ci pourraient apprendre les bonnes manières...

Elle obtient l’autorisation de Barras de s’installer à Saint-Germain-en-Laye, en juillet 1794.

Le succès est rapide ! Dès l’année 1795, on compte 60 élèves : un an après, 150 !

Qui sont-elles, ces jeunes filles que Mme Campan appelle « ses chères enfants » ?

  • Hortense de Beauharnais, fille du premier mariage de Joséphine ;
  • Louise de Guéhenneuc, future maréchale Lannes ;
  • la nièce de Mme Campan, Aglaé Auguié, future maréchale Ney, princesse de la Moskowa ;
  • Caroline Bonaparte, la propre sœur du futur empereur...
Orpheline de la Légion d'honneur (1810)

Orpheline de la Légion d'honneur (1810) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

L’ouverture de la maison d’éducation d’Écouen

Un château ayant besoin de travaux

Mais retournons à la maison d'éducation du château d’Écouen, qui ouvre courant 1807.

C’est une sublime demeure Renaissance construite pour Anne de Montmorency, célèbre connétable de François Ier. Demeure des Condé, il est confisqué en 1793.

A l’époque où sont instituées les maisons d’éducation de la Légion d’honneur, le château a grand besoin de travaux, avant l’arrivée des premières élèves, le 17 novembre 1807.

Il faut aussi prévoir le confort minimum !

Matelas et beurre normand !

On installe des poêles dans le réfectoire et dans chaque salle de classe.

Pour couper le froid, les dortoirs sont fermés par des portes battantes « garnies de toile verte rembourrée. »

Les matelas sont chauffés « pour en extraire l’humidité. »

On commande des légumes secs depuis Soissons ; du « beurre arrivera d’Isigny chez le maître de poste d’Écouen tous les jeudis » !

Écouen

Écouen | ©Olive Titus / Flickr / Public domain

L’arrivée des élèves

L’Histoire a bien sûr conservé les noms des premières arrivantes !

Paméla Gilbert, Alexandrine Gaussard, Félicie Gillet, Angélique Gaudrin, Alphonsine Heurteloup…

D’après le règlement, chaque « grande » devait prendre soin d’une plus jeune.

L’âge limite pour être admise ? 15 ans !

Madame Campan écrit :

« Quoique ces demoiselles ne puissent pas encore jouir de la beauté et de l’étendue de la maison, elles paraissent très contentes et ont bien dîné et joué de bon cœur après le repas. Elles ont passé la nuit dans une pièce parfaitement échauffée. Demain, les travaux à l’aiguille commenceront. Elles ont déjà à ajouter leur nom et leur numéro à la marque de la maison sur chaque pièce de leur linge. »

La dame ajoutera plus tard, en 1808 :

« Il y a tant de choses à faire pour organiser à la fois logements, meubles, nourriture, instruction, vêtements, que je suis occupée du matin au soir. »
Napoléon visitant Ecouen

Napoléon visitant Écouen | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

Qu’enseigne-t-on à Écouen ?

Dès le début, Napoléon Ier a été clair sur le but des maisons d’éducation.

Il veut faire de ces jeunes femmes « des croyantes, non des raisonneuses », « non des femmes très agréables mais des femmes vertueuses. »

Pour cela, pas de latin, de sciences, que nenni, vous pensez bien !

De la littérature et de l’histoire, « assez de physique pour qu’elles pussent dissiper autour d’elles l’ignorance populaire, un peu de médecine usuelle, de la botanique, de la musique, de la dance, mais pas celle de l’Opéra, l’art de chiffrer, l’art de travailler à toutes sortes d’ouvrages. »

Oh, ajoutez aussi de l’anglais et de l’italien !

Napoléon ajoute :

« Il faut que leurs appartements soient meublés du travail de leurs mains, qu’elles fassent elles-mêmes leurs chemises, leurs bas, leurs robes, leurs coiffures, quelles puissent au besoin coudre elles-mêmes la layette de leurs enfants. Je veux faire de ces jeunes filles des femmes utiles, certain que j’en ferai par là des femmes agréables. »

Des leçons de maintien ont lieu trois fois par semaine : « un exercice militaire commandé à 50 filles à la fois, 4 heures de suite » !

Écouen

Écouen | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

L’emploi du temps des demoiselles d’Écouen

On comptera jusqu’à 300 élèves, à Écouen.

Chaque classe est divisée entre 25 élèves, dirigées par deux surveillantes.

Écoutons Mme Campan raconter leur journée type…

Une journée très bien remplie !

Lever à 6 h en été, 7 h en hiver. Une heure pour s’habiller, faire son lit, puis hop, on descend à la messe !

Le déjeuner, puis à 10 h, entrée en classe.

Second déjeuner à midi : un morceau de pain sec !

Classe jusqu’à 15 h, puis dîner et récréation.

A 17 h, un peu de travail jusqu’à 20 h.

Puis le souper et le coucher à 21 h.

Les surveillantes ne quittent pas les élèves d’un poil, elles couchent près d’elles dans des dortoirs, où d’autres dames font des rondes de nuit.

Bain annuel et fruits cuits

Toutes les semaines, les élèves reçoivent des bains de pied, et l’été des bains entiers.

Une coiffeuse vient chaque mois leur couper les cheveux.

La nourriture se compose de fruits et d’un laitage le matin, de soupe, bœuf, entrée ou rôti, légumes ou salade, pour le déjeuner.

Le soir, c’est potage au lait, fruit cuit ou légumes.

Napoléon à Écouen

Napoléon à Écouen | ©The British Library / Public domain

L’examen de changement de classe

Tous les 3 mois, des examens ont lieu, pour pouvoir changer de section.

« Trois mois suffisent à peine pour avoir fait des progrès dans le dessin et dans l’écriture. Il faut aussi avoir appris un cahier entier d’histoire, un de géographie, que l’on répète sur la carte. Il faut pouvoir subir un examen sévère sur les calculs et donner un état des ouvrages à l’aiguille que l’on a faits dans cet espace de temps. »

La fin de la maison d’Écouen

La maison d’éducation du château d’Écouen ferme ses portes en 1814, lorsque Louis XVIII, de retour sur le trône, rend le château aux Condé.

Un an plus tard, Mme Campan obtient le titre de Surintendante honoraire et une pension qui lui permet de vivre paisiblement.

Elle meurt en 1822, à 69 ans, après la mort de son fils unique un an plus tôt.

Fidèle jusqu’au bout à l’empereur.

L’épitaphe sur sa tombe résume toute sa vie, son combat :

« Elle fut utile à la jeunesse et consola les malheureux. »

L’école, elle, fait un come-back entre 1850 et 1962, date de sa fermeture définitive et de l’ouverture de l’actuel musée de la Renaissance !

L’anecdote pour la fin !

Mme Campan a voulu ouvrir...une université pour femmes !

Elle propose « une université de femmes qui remplace les abbayes et les couvents. »

Mais elle se heurte au grand chancelier Bernard Germain de Lacépède.

On veut des femmes d’intérieur, de bonnes épouses, point ! Le projet n’aboutira jamais…

Sources

  • Louis Bonneville de Marsangy. Mme Campan à Écouen : étude historique et biographique.
  • Dominique Henneresse. Article en ligne Les Maisons d’éducation de la Légion d’honneur.
  • Juliette Benzoni. Le roman des châteaux de France. Perrin, 2012.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !