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Le gisant de Marguerite d'Autriche à Brou : gangrène fatale et cicatrice au pied

Quand : 1508 - 1856

Gisant de Marguerite d'Autriche | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA
Abbaye Accident Bénédictin Lieu de sépulture Marguerite d'Autriche Monastère royal de Brou

Inhumée au sein de l'église de Brou

C’est une jeune veuve de 24 ans qui fait construire le flamboyant monastère de Brou, dès 1506, à la mémoire de ceux qu’elle a perdu trop tôt.

Son mari Philibert de Savoie (†1504), sa belle-mère Marguerite de Bourbon (†1483) y reposent.

Un jour, elle aussi viendra goûter au sommeil éternel, au cœur de la grande et belle église...

Elle ? Marguerite d’Autriche ! Fille de l'empereur Maximilien de Habsbourg, petite-fille du dernier duc de Bourgogne Charles le Téméraire, tante du futur et puissant Charles Quint.

Elle mentionne dans son testament, rédigé en 1508 :

« Voulons être inhumée auprès le corps de feu nôtre très cher seigneur et mari, le duc Philibert de Savoie, que Dieu absout, du côté senestre, et au dextre sera le corps de feue Madame Marguerite de Bourbon. »

L’église du monastère de Brou n’est achevée qu’en 1532, soit 2 ans après la mort de Marguerite.

Son corps peut enfin rejoindre ceux de son mari et de sa belle-mère.

Choeur de l'église de Brou

Choeur de l'église de Brou | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

Le gisant de Marguerite d'Autriche à Brou

Tout comme le tombeau de son époux Philibert de Savoie, Marguerite d‘Autriche a deux gisants :

  • un la représentant morte (« transi ») ;
  • l’autre bien vivante (« au vif »).

On doit son tombeau au sculpteur flamand Conrad Meyt. On y voit une Marguerite représentée à l’âge de sa mort : 50 ans.

Avez-vous remarqué cette levrette, à ses pieds, symbole traditionnel de la fidélité ?

Regardez aussi les détails, comme les longs cheveux dénoués…

Au cou de Marguerite, un médaillon représente son bien-aimé Philibert, mort à l’âge de 24 ans.

Et bien sûr, ce détail, imperceptible, au niveau de son pied gauche : une blessure, une profonde cicatrice…

Cela a-t-il un lien avec la mort de la princesse ? Il semblerait !

Transi de Marguerite d'Autriche

Transi de Marguerite d'Autriche | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

Transi de Marguerite d'Autriche

Transi de Marguerite d'Autriche | ©Romainbehar / Wikimedia COmmons / CC0

Comment est morte Marguerite d’Autriche ?

Un morceau de verre dans une mule !

C’est un accident qui aurait pu être d’une banalité affligeante, mais qui se révéla... mortel !

Marguerite d’Autriche arrive en visite au monastère de Brou, à l’automne 1530.

Le matin du 15 novembre, elle s’était levée avec une soif intense aux lèvres. Madeleine ! Elle demande un verre d’eau à l’une de ses demoiselles, Madeleine de Rochester.

Mais au moment de reprendre la coupe de cristal, l’accident… Madeleine la fait tomber à terre. Un des fragments saute dans l’une des mules de Marguerite.

Alors, lorsque celle-ci y glisse son pied nu, un peu plus tard dans la soirée, elle laisse échapper une grimace de douleur !

Elle retire le morceau de verre planté dans sa chair, puis n’y prête plus attention. Mais la plaie s’infecte. La douleur s’installe, la blessure s’enflamme.

La gangrène s’installant, les médecins impuissants décident d’amputer une partie de la jambe.

Marguerite serait morte, le 2 décembre 1530, d’un surdosage d’opium utilisé pour calmer la douleur post opératoire.

Marguerite d'Autriche

Marguerite d'Autriche | ©Rijksmuseum / CC0

A-t-on amputé Marguerite d'Autriche ?

Le récit que l’on vient de faire est tiré d’un manuscrit conservé aux archives de l’Ain.

Mais une lettre du chef des finances de Marguerite, Antoine de Lalaing, à Charles Quint, le 28 décembre 1530, nous indique d’autres détails sur la mort de Marguerite !

Le 20 novembre, celle-ci est prise de fortes fièvres.

Les médecins, ne voulant pas que le mal ne gagne la partie supérieure, frotte la jambe avec un onguent gras, puis pratique une ouverture pour laisser écouler les « humeurs ».

La fièvre cesse : les médecins se félicitent !

Mais le 27, l’état de Marguerite empire, à tel point que sont appelés, en renfort, deux des plus éminents médecins de Louvain. En vain : la gangrène s’installe, la mort est inévitable.

On l’apprend dans une lettre du 1er décembre 1530 :

« L’indisposition a tellement continué, que, quelque remède que les médecins y avaient su donner, le feu s’est mis en sa jambe, et incontinent est monté au corps, et que, cette nuit, entre 12 et une heure, elle a rendu l’âme à Dieu... »

Vous l'aurez remarqué, à aucun moment il n’est fait mention d’amputation !

Tombeau de Marguerite d'Autriche : détail

Tombeau de Marguerite d'Autriche : détail | ©Zairon / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Cicatrice ou non ?

La tombe de Marguerite à Brou est redécouverte en 1856 par les architectes Chanut et Dupasquier.

Ceux-ci trouvent son corps enveloppé dans un linceul en cuir de vache, comme le veut l’usage au Moyen Age.

Le bois de son cercueil a mal résisté au passage du temps ; celui de Philibert de Savoie, en revanche, était très bien conservé.

Bref ! Un examen des restes de Marguerite a montré des « os des jambes et des pieds intacts. » Marguerite n’avait donc subi aucune amputation du pied ou de la jambe !

Sources

  • Patrice Boussel. Guide de la Bourgogne et du Lyonnais mystérieux. Éditions Tchou, 1978.
  • C.Dufaÿ. L'église de Brou et ses tombeaux. 1867.
  • P. Rousselet. Guide descriptif et historique du voyageur à l'église de Brou. 1866.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !