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Le baba, une histoire de vieux roi édenté et de grand-mère polonaise

Baba | Alessandro Bonvini / CC-BY
Spécialité Stanislas Leszczynski

Késako ?

Le baba, tout le monde le connaît : c'est un gâteau tout rond à pâte levée, garni de raisins secs et d'un sirop de rhum.

Moelleux, bien imbibé d’alcool, ce dessert nous viendrait de Pologne.

Mais alors... que fait-il parmi les spécialités culinaires de Lorraine ?

C'est parce que l'on doit la recette au très gourmand roi de Pologne et duc de Lorraine, Stanislas Leszczynski !

La petite histoire

Stanislas et son baba

Un crève cœur, je vous jure

C'est l'ex-roi de Pologne et duc de Lorraine Stanislas qui met ce gâteau à la mode, en Lorraine.

Grand gourmand, celui-là !

Nous sommes au 18e siècle, au château de Lunéville, non loin de Nancy.

Stanislas est bien vieux, il ne voit plus rien et a mal aux dents.

Lui qui aime tant manger, quel crève-cœur, tout de même !

Obligé de manger de la soupe, de la soupe...

Il adore les desserts : mais là pareil, ses maudits chicots l'ennuient.

Alors, n'écoutant que sa gourmandise, il se fait servir un kouglof trempé dans du vin, pour pouvoir le mâcher plus facilement.

Eurêka ! On tient une recette fabuleuse là, non ?

Stanislas Leszczynski

Stanislas Leszczynski | ©Rijksmuseum / CC0

D'Ali Baba à la grand-mère

Il lui faut un nom : la légende veut que Stanislas adorait les Contes des mille et une nuits, surtout l'histoire d'Ali Baba... et qu'en l'honneur de son héros favori, le petit gâteau rond reçoit le nom de baba...

Un peu tiré par les cheveux, non ?

En fait, voilà une explication plus réaliste : le babka est un plat polonais, sucré ou salé.

C'est un gâteau avec des œufs, du lait, de la crème, du sucre, des amandes pilées.

Le moule utilisé est étroit et assez haut mais en plus, on ajoute de la pâte au-dessus, qui a tendance à retomber.

De la pâte qui donne au gâteau l'apparence d'une vieille femme un peu penchée, d'où le nom de babka, « vieille femme » ou « grand-mère » !

Stohrer et le baba

En tous cas, le gâteau fait fureur à la cour de Lunéville.

Au début du 19e siècle, le rhum remplace le vin et le baba lorrain monte à Paris grâce au pâtissier Stohrer, originaire de Lunéville.

Il s'installe 51 rue Montorgueil...

La pâtisserie existe toujours ! La plus vieille de la capitale !

Les babas... du baba !

Un autre gourmand, Alexandre Dumas, parle du baba dans son Grand dictionnaire de cuisine.

Mais pas que lui : on a aussi le grand chef Antonin Carême, qui précise dans son Pâtissier royal parisien, au chapitre 10, « Baba polonais » :

« Le baba est un mets polonais de l'invention de Stanislas Leczinski, roi de Pologne, grand duc de Lorraine et de Bar, prince fort gourmand vers la fin de ses jours et qui n’était point étranger à la pratique de la cuisine. »

Carême nous explique comment le préparer et nous donne les ingrédients :

« 3 livres de belle farine, 4 gros de levure, une once de sel fin, 4 onces de sucre, 6 onces de raisin de Corinthe, 6 onces de raisin muscat, une once de cédrat confit, un gros de safran, un verre de crème, un demi-verre de Madère, 20 à 22 œufs, 2 livres de beurre fin. »

Il précise que :

« La vraie couleur du baba doit être rougeâtre : c'est la cuisson mâle ; mais elle n'est pas facile à saisir, parce que le safran, par sa teinte jaunâtre, porte à la couleur, et que le sucre et le vin d'Espagne y contribuent pour le moins autant de leur côté. »

On voit aussi dans Néo-physiologie du goût, au chapitre « Baba » :

« Il paraît quant à l'origine de ces gâteaux, que c'est véritablement le roi Stanislas qui les a fait connaître en France. Chez les augustes descendants de ce bon roi, on fait toujours accompagner le service des babas par celui d'une saucière où l'on tient mélangé du vin de Malaga sucré avec une 6e partie d'eau distillée de tanaisie. On a su par la comtesse Kisseleff née comtesse Potocka et parente des Leckzinski, que le véritable baba polonais devait se faire avec de la farine de seigle et du vin de Hongrie. »

Sources

  • Anne Muratori-Philip. Le roi Stanislas. Fayard, 2000.
  • Jean-Pierre Colignon. Curiosités et énigmes de l'histoire de France. Albin Michel, 2009.
  • Louis-Eustache Audot. La cuisinière de la campagne et de la ville. 1879.
  • Annie Perrier-Robert. Dictionnaire de la gourmandise. Robert Laffont, 2012.
  • Comte de Courchamps. Néo-physiologie du goût. 1839.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !