Élisabeth de France, la petite sœur de Louis XVI, passe des années heureuses dans son domaine, de 1783 à 1789.
Qui est Madame Élisabeth ?
Il s’agit du 8e et dernier enfant du dauphin Louis, fils unique de Louis XV, et de son épouse Marie-Josèphe de Saxe.
Son nom complet de naissance ? Élisabeth Philippe Marie Hélène de France, surnommée Madame Élisabeth ou Babet, pour les intimes !
Son père Louis meurt de la tuberculose l’année suivante, suivi par sa mère deux ans plus tard, à 36 ans.
C'est une orpheline, avec trois frères bien connus : les futurs Louis XVI, Louis XVIII et Charles X !
Montreuil... à Versailles !
Tout commence en 1783 : le prince de Rohan-Guéménée et son épouse, gouvernante des enfants de France, sont ruinés.
Ils vendent tout leur bien, dont le domaine qui nous intéresse aujourd'hui : il s’appelle alors domaine de Montreuil, du nom du quartier versaillais du même nom, au bord de l'avenue de Paris.
Le couple l'avait acquis en 1772 et modifié du tout au tout.
Le poète Delille dans un poème en disait d'ailleurs :
« Les Grâces en riant dessinèrent Montreuil. »
Le cadeau de la reine
Jusqu'à... ce que Louis XVI achète le domaine.
Marie-Antoinette lui propose de l’offrir à Mme Élisabeth, en cadeau ! Une belle surprise en perspective.
« Allons à Montreuil », dit un matin de mai 1784 la reine à sa belle-sœur.
Celle-ci accepte avec une moue dubitative, croyant que la maison de son ancienne gouvernante était encore à vendre.
Mais en arrivant sur place, quel étonnement de constater que les portes et fenêtres sont grandes ouvertes, le jardin plein de fleurs, la table dressée…
« Ma sœur, recevez-moi : vous êtes chez vous » sourie Marie-Antoinette à la jeune femme.
« C’est votre Trianon. Le roi, qui se fait un plaisir de vous l’offrir, me laisse celui de vous le dire. »
Élisabeth est submergée par le bonheur !
Pas avant tes 25 ans !
Le roi décide que sa sœur ne passerait la nuit à Montreuil que le jour où elle aurait atteint sa 25e année !
La jeune fille, qui a 19 ans, se plie à cette règle pendant de nombreuses années : elle assiste à la messe la matin dans la chapelle de Versailles, puis file comme le vent à cheval dans son domaine... avant de sagement rentrer au château de Versailles à la nuit tombée !
Élisabeth écrit dans une lettre à une amie en 1784 :
« Le bonheur que je goûte ici est tranquille, je m'occupe beaucoup depuis huit jours que j'y suis ; j'écris des lettres innombrables ; cela ne me plaît guère, mais lorsqu'on passe autant d'heures dans la journée sans voir autre chose que son chien, on n'est pas fâché d'avoir ce genre d'occupation. Sans cela, j'en aurais beaucoup d'autres, par exemple le dessin. »
Son amie, Mme de Bombelles raconte :
« Notre vie à Montreuil était uniforme, pareille à celle que la famille. Heures de travail, de promenade, de lecture, vie isolée ou en commun, tout y était réglé avec méthode. L'heure du dîner réunissait autour de la même table la princesse et ses dames. Elle avait ainsi fixé ses habitudes. Vers le soir, avant l'heure de retourner à la cour, on se réunissait dans le salon et, conformément à l'usage de quelques familles, nous faisions en commun la prière du soir. »
Une bonne âme
Hormis la lecture et le dessin, Élisabeth s'occupe des pauvres gens à qui elle porte vêtements et nourriture et à qui elle autorise de prendre lait et œufs dans la basse-cour.
Généreuse et désintéressée, elle devient très vite « la bonne âme de Montreuil. »
Une sonnette permettait de laisser rentrer les plus pauvres des gens.
Enfin, elle donne le peu d'argent qu'elle a, car son frère ne lui laisse pas beaucoup de sous !
Du coup elle économise sur ses « parures », refuse de faire planter des essences rares dans le parc, ou d’acheter des objets d’art pour les salons de son château.
Un marchand lui montrant un jour une garniture de cheminée à 400 livres lui plaisant, elle répond : « Je ne le puis, car avec cette somme, je puis monter quatre petits ménages. »
L’intérieur du château restait donc étrangement sobre, comparé à ce qui se faisait ailleurs…
Élisabeth veut même construire une maison où vieux et orphelins trouveraient asile et soins. Dans une chambre vide de son château de Montreuil, elle se met à apprendre à panser les plaies, à préparer les mixtures...
Jacques le vacher
Le parc de son chez soi comportait une ferme, un potager, des communs « peu désirables », une laiterie où Élisabeth fait venir des vaches suisses et un vacher de Fribourg.
Celui-ci, Jacques, est malheureux. Après lui avoir parlé, Élisabeth découvre que c’est parce qu’il a laissé sa fiancée, Marie, en Suisse ! Quand la reverrait-il, ça…
Élisabeth a honte : elle a fait deux malheureux. Elle écrit à Marie en lui disant de venir épouser son vacher, et promet qu’on la nommerait laitière de Montreuil !
De là est née la chanson Pauvre Jacques, malheureusement très populaire pendant la Révolution française, pour se moquer du roi et de la reine...
Étiquette, poulettes et génisse !
L’étiquette, au domaine de Montreuil ? Très libre ! Rien à voir avec celle du château de Versailles !
L'amie d’Élisabeth, Mme de Bombelles, devient Bombe, sa fille Bombonnette, Mme de Raigecourt Mme Rage…
Mme de Clermont-Tonnerre conserve son nom : Élisabeth note en riant qu’elle tremble devant un insecte et a peur du bruit du tonnerre, là où cette dernière aime regarder « tomber la pluie d’été et voir scintiller l’éclair de la fenêtre ouverte »…
« Du salon on pouvait entendre chanter les coqs, beugler les vaches, se croire en plaine campagne dans un manoir de province. »
Oh oui ! Le domaine de Montreuil regorge d'animaux de tous poils : les poules, les chèvres du Tibet, la génisse Musette qui « donnait du si bon lait », l’âne Panurge, le chien mâtin, qui a l'habitude de donner sa grosse patte toute crottée à sa maîtresse…
Épilogue
Élisabeth passe donc au domaine de Montreuil les plus belles années de sa courte vie, de 1783 à 1789.
Toujours l'amie fidèle de son frère, elle ne l'abandonnera jamais, même aux portes de la mort.
Elle le suit à Varennes, à la prison du Temple puis sur l'échafaud, sur lequel elle monte en 1794. À l'âge de 30 ans seulement...
Source
- Comtesse d'Armaillé. Madame Élisabeth, sœur de Louis XVI. 1886.