Rencontre avec Montesquieu, le célèbre philosophe des Lumières qui naît au château de La Brède, en 1689 !
De la fenêtre ouverte, Charles regarde passer des nuages cotonneux, dans le ciel rose poudré de cette fin de soirée de printemps.
Le cri strident d’une hirondelle. L’odeur de la terre. Celle des roses qui monte des jardins qu’il a lui-même dessinés...
Charles de Secondat, baron de Montesquieu, inspire l'odeur de sa terre chérie...
Hé oui, le grand Montesquieu, malgré tous ses longs voyages, est toujours revenu dans son château natal !
1 - Montesquieu a une enfance très simple
La famille de Montesquieu, les Secondat, vit au château de La Brède depuis le 14e siècle. Le célèbre philosophe y naît un jour clair, mais gelé, du 18 janvier 1689.
Charles passe son enfance dans cette jolie campagne, élevé chez une nourrice du village, pendant 3 ans, avec comme copains les enfants des vignerons voisins.
Il se met même à parler le gascon !
Une vie très simple : ses parents lui ont donné comme parrain un pauvre mendiant venu un jour frapper à la porte du château, pour qu’il se rappelle toujours que les plus pauvres des hommes sont ses frères…
2 - Le château de La Brède
La famille maternelle du futur philosophe, les Pesnel, possède La Brède depuis le 11e siècle.
C’est en 1686 qu’il entre dans la famille des Secondat, avec le mariage de Marie de Pesnel et de Jacques de Secondat. Les parents du petit Charles !
Celui-ci créera plus tard l’actuel jardin à la française et le parc à l’anglaise.
On y voit toujours sa chambre et sa bibliothèque, conservées en l’état.
Il faut dire que le château a appartenu à la même famille entre le 11e siècle et 2004, date de la mort de la descendante directe du philosophe...
3 - De l'Esprit des Lois, créé à La Brède !
Montesquieu devient avocat au Parlement de Bordeaux, à l'âge de 20 ans.
Il commence à écrire. Quoi donc ? Les Lettres persanes, en 1721 !
Aaah, ça vous rappelle des souvenirs du lycée, non ?
Charles commence aussi à voyager. 3 ans à travers l’Europe, entre 1728 et 1731. Avant de revenir se poser à La Brède.
Il en revient changé, bourré d’idées nouvelles.
Il se met à écrire comme un acharné, terré dans son château comme un ours dans sa tanière.
Son chef-d’œuvre ? De l'Esprit des Lois (publié anonymement en 1748), qui lui demandera 15 ans de travail !
Petits soucis de vue obligent, il dicte ses idées à ses nombreux secrétaires.
Il confie :
« À l'égard de mes Lois, j'y travaille 8 heures par jour. L'ouvrage est immense, et je crois avoir perdu tout le temps où je travaille à quelque autre chose qu'à cela. »
Il y parle de la séparation des 3 pouvoirs, de l’égalité, des différents types de gouvernement (monarchie, démocratie…), et plus novateur encore, de l’influence du climat et des mœurs sur les lois !
Un écrit moderne, brillant, publié bien avant la Révolution française.
4 - La Brède, le refuge
Quand il n’écrit pas, Montesquieu s’occupe de ses vignes, à La Brède ! Il avoue que c’est « une des choses » qu’il « aime le plus au monde »...
Un sacré boulot, tout de même. Mais un boulot qui lui assure une grosse partie de ses revenus.
Les lettres qu’il envoie à un certain abbé de Guasco évoquent bien son petit château girondin :
« C’est le plus beau lieu champêtre que je connaisse [...] C’est un des lieux aussi agréables qu’il y ait en France, tant la nature s’y trouve dans sa robe de chambre au lever de son lit. [...] Je me fais une fête de vous mener à ma campagne de La Brède, où vous trouverez un château gothique à la vérité, mais orné de dehors charmants, dont j’ai pris l’idée en Angleterre. »
Charles se rend à Paris une fois par an. Mais à chaque fois, c’est un crève-cœur :
« Je n’irai à Paris d’un an tout au plutôt. Je n’ai pas un sou pour aller dans cette ville qui dévore les provinces et que l’on prétend donner des plaisirs, parce qu’elle fait oublier la vie. [...] Vous me parliez de toute l’Europe. Moi je vous parlerai de mon village de la Brède et de mon château, qui est à présent digne de recevoir celui qui a parcouru tous les pays. »
5 - Montesquieu meurt loin de La Brède
« Je n'ai plus que deux choses à faire : apprendre à être malade et apprendre à mourir », écrit le philosophe dans ses Pensées.
Ne vous en faites pas, il va très bien s'acquitter de ces deux tâches...
C’est pendant un de ses déplacements dans ce Paris qu’il déteste tant qu’il meurt de « fièvre » (sans doute une infection pulmonaire), le 10 février 1755. Il avait 66 ans.
Sans jamais avoir revu sa famille et les vignes de La Brède : on l'inhume même loin d'eux, dans le cimetière de l'église Saint-Sulpice de Paris...
On ne retrouvera pas ses restes, le cimetière ayant été pillé durant la Révolution...
Sources
- Œuvres complètes de Montesquieu. 1827.
- Alexandre Ducourneau. La Guienne historique et monumentale. 1842.
- Archives historiques du département de la Gironde (tome 30). 1895.
- Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas, 2001.