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La mort brutale du dauphin François de France au château de Tournon

Quand : 10 août 1536 - 7 octobre 1536

Le château | Charcutaille / CC-BY-SA
Château Destin tragique François de France Château de Tournon

Les enfants du couple royal

Du mariage de François Ier de Claude de France naissent 7 enfants.

Trois filles, d’abord !

Deux meurent en bas âge, un malheur alors monnaie courante :

  • Louise (1515-1517) ;
  • Charlotte (1516-1524).

Une troisième fille, Madeleine, épouse de Jacques V d’Écosse, s'éteint à seulement 17 ans.

Quid des trois garçons du couple ? Il y a :

  • Henri, futur Henri II de France ;
  • Charles, duc d'Orléans (1522-1545) ;
  • celui qui nous intéresse pour cette anecdote : François de France ou François III de Bretagne, né le 28 février 1518.

En tant que fils aîné du roi, il obtient le titre de dauphin, à sa naissance.

L’héritier de la couronne de France… à moins qu’une mort prématurée ne s’en mêle ?

Le dauphin François (Clouet, 1525)

Le dauphin François (Clouet, 1525) | ©Collection KMSKA - Communauté flamande / CC0

Le récit de la mort du dauphin

En route pour la Provence !

Août 1536. François, 18 ans, se trouve aux côtés de son père et de la cour, en route vers la Provence.

Les armées françaises s'opposent alors à celles de l’empereur du Saint-Empire, Charles Quint, dans le Sud de la France !

Tout ce petit monde fait une halte à Lyon, avant la prochaine étape : Valence, dans la Drôme.

On est en plein cœur de l’été. Il fait une chaleur... caniculaire !

Pas de quoi arrêter le dauphin, qui décide de jouer une partie de son jeu préféré : le jeu de paume.

La scène se passe dans le pré d'Ainay, à Lyon.

De l'eau glacée dans un pot de terre

Allez ! La partie est intense. On transpire à grosses gouttes !

À la fin du jeu, on imagine un François en nage, complètement vidé, rouge cramoisi. La bouche aussi aride qu’un désert.

L’adolescent demande alors à boire à son écuyer, Sebastiano de Montecuculli.

François donne à ce dernier sa tasse en terre, afin qu'il la remplisse d'eau, un cadeau de la dame d'honneur portugaise de la reine Éléonore, sa belle-mère.

Brantôme décrit ce contenant :

« Ce vase, dont on use en Portugal, est d'une terre tannée si subtile et fine, qu'on dirait proprement une terre sigillée ; et porte telle vertu que quelque eau froide que vous y mettiez, dedans vous la verrez faire de petits bouillons comme si elle était sur le feu. »

Cul sec ! Le dauphin boit l’eau glacée d'une traite. Mais alors que François Ier et son fils quittent Lyon pour Valence, le malaise ne se fait pas attendre.

On est le 6 août 1536. Le mal empire. François est trop faible, on doit s'arrêter à Tournon, sans tarder.

Quatre jours plus tard, le dauphin était mort !

Château de Tournon

Château de Tournon | ©Jeanne Menjoulet / Flickr / CC-BY

Une mort trop brutale pour être naturelle

La mort de François choque. On n’y croit à peine, la disparition est si brutale !

On en vient très vite à en chercher les causes.

Trop d’ébats, peut-être ? Oui ! Le dauphin (digne fils de son père, chaud lapin porté sur la chose) aurait été épuisé par de violents ébats avec la demoiselle de Lestrange, sa maîtresse. Au point d’en tomber malade et d’en crever !

Ou alors... était-ce le verre d’eau glacée ? Car l’eau froide tue !

Louis X le Hutin, s’était fait avoir, après une partie de jeu de paume endiablée, tout comme le vaillant du Guesclin…

De l’eau froide dans le gosier, et hop ! Vous finissiez par attraper un refroidissement fatal.

À moins que cette mort brutale ne cache… un empoisonnement !

Le dauphin François (XVIe s)

Le dauphin François (XVIe s) | ©Musée de Bretagne / Public domain

Le dauphin a-t-il été empoisonné ?

À l’époque, qui dit mort trop soudaine dit souvent… empoisonnement.

À la disparition du dauphin, la rumeur vient rapidement sur toutes les lèvres.

Un certain Thibault Lespleigney, apothicaire à Tours, écrit :

« François, dauphin, de François fils, En mourut par fausse traison... O pernicieuse poison, Pestilente et envenimée. Par ton dart fut exanimée La fleur des très loyaux François. »

Mais alors, qui serait le coupable ?

Catherine de Médicis, belle-sœur de François ?

La jeune épouse du frère de François, Henri, n’avait qu'à éliminer son beau-frère, pour que son époux ne devienne l'héritier du trône... faisant d'elle la future reine de France !

En plus, Catherine est italienne : à l’époque, les Italiens ont la réputation d’être passés maîtres en poisons !

À moins que ce ne soit l'empereur Charles Quint, grand ennemi du royaume de France ?

Ou peut-être un de ses bras armé !

Montecuculli, le suspect idéal

Et voilà. Un suspect est bientôt arrêté. Il s'agit du comte Sebastiano de Montecuculli.

Vous vous souvenez ? L'écuyer du dauphin ! Celui qui lui a donné le verre d’eau !

On le torture, on parvient à lui arracher des aveux : il dit qu'un certain Antoine de Lève, favori de Charles Quint, l'a engagé.

Oui, il voulait tuer le dauphin... mais aussi le roi, et toute sa famille !

Mais que sait-on de ce Montecuculli ? Pourquoi le soupçonne-t-on ?

Ce gentilhomme de Ferrrare, débarqué en France avec Catherine de Médicis, détenait (malheureusement pour lui) des connaissances en médecine et en alchimie.

C'est un suspect... tout trouvé !

On découvre chez lui de l'arsenic, du vif argent, ainsi qu’un traité sur les poisons.

À l'époque, les Italiens, on l’a dit, passent pour de redoutables maîtres ès empoisonnement… On tenait l’assassin !

Le dauphin François

Le dauphin François | ©Rijksmuseum / CC0

La condamnation à mort

Le 7 octobre 1536, un grand conseil réuni à Lyon condamne Montecuculli à être écartelé.

L'arrêt rendu contre l’ancien écuyer rapporte qu’il est

« convaincu d'avoir empoisonné feu François, fils aîné du Roi, en poudre d’arsenic sublimé, par lui mise dedans un vase de terre rouge en la maison du Plat à Lyon, convaincu d'être venu en France exprès et en propos délibéré d'empoisonner le Roi. »

Le supplice de l'assassin supposé

Le jour même, Montecuculli est amené sur les lieux de son supplice, au lieu-dit de la Grenette, à Lyon.

On détruit devant lui les armes supposées du crime : le pot de terre rouge et l'arsenic trouvé chez lui.

Ensuite, on le met entièrement nu, on l’attache aux hanches et à la poitrine, puis on ligote bras et jambes à quatre chevaux. La pire des morts qui soit. Écartelé vivant. Vivant !

Les parties démembrées doivent ensuite être pendues aux quatre portes de la ville.

La tête devait être découpée, puis plantée au bout d'une lance, sur un pont franchissant le Rhône.

Mais les débris sanglants de Montecuculli restent deux jours exposés sur un échafaud, à la merci d’un peuple vengeur. Sa tête est mutilée, les yeux crevés, les cheveux arrachés !

Le corps est quasiment mis en lambeaux de chairs, ses parties intimes tranchées.

Ne restent à exposer sur les portes que des morceaux sanguinolents !

Le dauphin François (C. de Lyon, 1540)

Le dauphin François (C. de Lyon, 1540) | ©Musée de Bretagne / Public domain

Alors, de quoi François est-il vraiment mort ?

On l’a vu, les écrivains, les chroniqueurs du temps évoquent rapidement l'empoisonnement, comme cause de la mort du dauphin.

Pendant longtemps, de nombreux historiens restent persuadés que Montecuculli est l’auteur du crime.

Alors que, pourtant, le rapport d'autopsie de l'époque (« l’ouverture ») évoque une mort naturelle ! Aucune trace de poison n’est retrouvée.

Les chirurgiens trouvent des organes sains, sauf « la bouche et le nez tous environnés de glaçons de sang (caillots) », « le poumon trouvé plein d'élevures (inflammations localisées). »

  • Le docteur Cabanès, qui a étudié les morts des grands personnages de l'Histoire de France, pense à un décès causé par une pleuro-pneumonie, due à l’absorption d'une boisson froide, après un gros effort et une abondante transpiration.
  • L'homme politique Pierre-Louis Roederer, au XVIIIe s, parle de pleurésie.
  • Émile Littré, en 1874, évoque la phtisie : l’ancien nom de la tuberculose pulmonaire ! Ce que vient confirmer l’autopsie faite en 1536, où les médecins trouvent des inflammations suspectes aux poumons !

La suite !

Le dauphin était de toute évidence mort de cause naturelle à Tournon.

Mais Montecuculli devait payer : cette mort trop brutale, somme toute banale, ne pouvait être le fait d'une simple maladie.

En tous cas, François décédé, son frère cadet Henri prend la place de dauphin, et devient l’héritier du trône.

Il régnera sous le nom d'Henri II, dès 1547 !

Sources

  • Augustin Cabanès. Les morts mystérieuses de l'Histoire. 1910.
  • Berthold Zeller. La cour de François Ier, son gouvernement. 1890.
  • Étienne Charavay. Les enfants de François Ier. Revue des documents historiques, 1874.
  • Didier Le Fur. François Ier. Perrin, 2018.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !